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Dans cette explosion de fureur populaire, tout ce qu’il y avait de catholique en Angleterre était directement menacé : au premier plan, la duchesse de Portsmouth, haïe depuis si longtemps et qui pratiquait ouvertement sa religion. Plusieurs des individus impliqués dans le complot étaient accusés ou convaincus d’être ses gens : ainsi un certain John Potter, un certain Philippe Doughty, un certain Fitz Harris, d’autres agens suspects, qu’elle employait à l’occasion. Des paroles violentes s’élevèrent contre elle à la Chambre des Communes. Les pamphlets l’accusèrent d’être l’âme de la conspiration, d’avoir prêté son aide au moins indirecte au meurtre de Godfrey en cachant son cadavre. Le danger semblait imminent. Elle-même prévoyait le moment où il lui faudrait céder à l’orage : « Madame de Portsmouth, écrivit Barillon, m’a parlé comme si elle n’était pas assurée de demeurer ici. » Elle craignait que le Parlement ne la mît directement en cause, qu’il fût impossible de la protéger contre la fureur de la populace, que sa présence ne constituât un danger pour le roi. Elle renvoyait ses domestiques catholiques, songeait à préparer sa retraite en France.

L’heure de la fuite, pourtant, n’avait pas encore sonné. Incapable de résister ouvertement à l’opinion exaspérée, sentant qu’il y perdrait sa couronne, Charles II lui fit des concessions. Tandis qu’il faisait désigner par la reine la duchesse de Portsmouth comme la première des dames catholiques qu’elle était autorisée à conserver auprès d’elle, il éloignait le duc d’York d’Angleterre, se rapprochait de l’opposition, abandonnait Coleman, et se disculpait de toute sympathie catholique en trahissant misérablement lord Strafford, un des gentilshommes les plus honorables du royaume, qu’il offrait en victime à la vindicte publique.

Quelle fut la responsabilité de la duchesse de Portsmouth dans toutes ces lâchetés, on ne saurait le dire avec précision. Mais il y aurait témérité à donner un démenti formel à tel historien anglais, très honorable malgré quelque fanatisme, qui la montre assistant au procès de lord Strafford et distribuant des sourires et des confitures sèches à ses persécuteurs. Elle sentit le besoin de calmer l’opinion excitée contre elle, de donner des gages au Parlement, afin de n’être pas emportée dans cette crise provoquée par la politique intransigeante qu’elle avait toujours blâmée, et s’engagea dans des intrigues tortueuses, qu’elle mena