Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sans doute, il y a longtemps déjà que Louis XIV a prouvé en quelle estime il tenait les services de Madame de Portsmouth. Mais c’est par l’intermédiaire de ses ambassadeurs qu’il lui envoyait l’expression de ses sentimens, qu’il lui faisait tenir les grâces qu’il daignait lui accorder. C’est eux également que la duchesse chargeait de parler, de solliciter, de remercier en son nom. Très circonspecte et craignant de déplaire, elle n’a pas osé, quoique Colbert de Croissy lui-même l’y eût le premier engagée, prendre cette liberté d’écrire personnellement au roi, qui implique un certain degré de familiarité. En réponse à ses bienfaits, elle s’est seulement permis de lui faire tenir quelques témoignages directs de ses sentimens : son portrait en 1675, plus tard deux montres qui lui valurent des remerciemens affectueux de Louis XIV, et donnèrent lieu à une lettre circonstanciée de Louvois. L’une des deux montres n’a jamais bien marché, le roi a cassé l’autre en la remontant. Il ne veut pas les faire réparer à Paris de crainte qu’on ne les abîme. Louvois les renvoie donc à Courtin afin qu’il les fasse raccommoder « par le meilleur maître qu’il y ait » et les réexpédie ensuite par la voie la plus sûre. Mais, recommande Louvois avec une gravité diplomatique, « je dois vous faire observer que Sa Majesté n’étant pas bien aise que l’on sache qu’Elle ait renvoyé ces deux montres, vous ne le direz à personne. « 

Le voyage en France permit à Louis XIV d’apprécier à leur valeur le crédit de la duchesse et son intelligence politique. Lorsqu’elle retourna en Angleterre, elle était désormais admise à correspondre directement avec le monarque et à recevoir directement ses messages. Un assez grand nombre de lettres, inédites jusqu’ici, témoignent de l’empressement de Madame de Portsmouth auprès de son souverain aussi bien que de l’affectueux intérêt qu’il lui portait.

Les premières furent écrites à l’occasion des présens que Louis XIV avait destinés à la duchesse et à son fils. En même temps que ses remerciemens, la favorite apportait au monarque l’assurance de son entier dévouement et, adroitement, avec une modestie affectée, elle l’entretenait des affaires politiques où dorénavant elle entendait jouer le premier rôle. « J’ose me flatter, Sire, écrit-elle, qu’après la faveur que vous m’avez fait de m’accorder votre protection et votre bonne opinion. Votre Majesté m’honorera de ses ordres sur tout ce qui regardera en ce