Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le roi dans les appartemens privés de la duchesse, jusque dans son cabinet de toilette où. au saut du lit, ses femmes la peignaient devant le monarque et les courtisans debout autour d’elle. Tandis que le mobilier de la reine ne passe guère en beauté celui de beaucoup de nobles dames, la richesse qui entoure la duchesse est incroyable. On y admire de nouveaux modèles de tapisseries françaises qui, « pour le dessin, la finesse de travail, l’imitation incroyable de la meilleure peinture » dépassent tout ce qu’on a vu. Certaines pièces représentent Versailles, Saint-Germain et d’autres palais du roi de France, avec des chasses, des personnages, des paysages, des oiseaux exotiques, merveilleusement dessinés. Il y a une profusion de cabinets du Japon, de paravens, de pendules, de vases, de guéridons, de candélabres, de bibelots de toute sorte. Une foule de pièces sont en argent massif. Sur les murs sont accrochés quelques-uns des plus beaux tableaux du roi... Au sortir de ces magnificences, Evelyn se ressaisissait et concluait avec sévérité : « Quel contentement peut-on trouver dans les richesses et les splendeurs de ce monde, quand ils sont le prix du vice et du déshonneur ? »

La duchesse n’avait plus longtemps à en jouir.


X

Le dimanche 11 février 1685, Charles II, selon sa coutume, passait la soirée avec Madame de Portsmouth, Madame de Cleveland et Madame de Mazarin. Un artiste français chantait des mélodies amoureuses, tandis que le monarque plaisantait avec les favorites ; une vingtaine de courtisans jouaient à la bassette autour d’une grande table : il n’y avait pas moins de deux mille louis en banque. Dans la journée, le roi ne s’était pas senti bien. Le soir, chez la duchesse, il prit un peu de bouillon, sans plaisir. Le lundi, en se levant, il perdit tout à coup « . la parole et la connaissance » et tomba. « Je l’ai vu, écrit Barillon, son visage m’a paru entièrement défiguré. » On lui prodigua inutilement tous les soins.

Dans le désarroi général, c’est d’abord la duchesse qui s’installe à son chevet et qui lui rend « tous les services par lesquels une femme exprime dans ses derniers momens sa douleur tendre à un mari qu’elle aime. » Le visage du mourant reflète