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tout l’amour qu’il garde pour elle. Cependant, il faut que Madame de Portsmouth cède la place à d’autres consolateurs. Pendant trois jours, c’est le va-et-vient des médecins et des prêtres anglicans. Le duc d’York, la reine, les plus grands personnages se succèdent auprès du lit d’agonie. Mais le jeudi on avertit Barillon que, selon toute apparence, le roi ne passera pas la journée. Il va s’entretenir avec le duc d’York qui se prépare à lui succéder. De là il passe dans l’appartement de la duchesse de Portsmouth : « Je la trouvai, dit-il, dans une douleur extrême ; les médecins lui avaient ôté toute espérance. Cependant, au lieu de me parler de sa douleur et de la perte qu’elle était sur le point de faire, elle entra dans un petit cabinet et me dit : « Monsieur l’ambassadeur, je m’en vais vous dire le plus grand secret du monde, et il irait de ma tête si on le savait ; le roi d’Angleterre dans le fond de son cœur est catholique, mais il est environné des évêques protestans et personne ne lui dit l’état où il est, ni ne lui parle de Dieu ; je ne puis plus avec bienséance rentrer dans la chambre, outre que la reine y est presque toujours. Monsieur le duc d’York songe à ses affaires et en a trop pour prendre le soin qu’il devrait de la conscience du roi ; allez lui dire que je vous ai conjuré de l’avertir qu’il songe à ce qui se pourra faire pour sauver l’âme du roi. »

Barillon s’empressa d’aller trouver le duc et la reine. Après de longs conciliabules, car on ne pouvait introduire les aumôniers trop connus de la duchesse d’York, on se souvint d’un moine nommé Huddleston qui, à cause du courage qu’il avait montré à Worcester, gardait ses entrées dans le palais. On le déguisa et Chiffinch, le valet de chambre, l’introduisit par un couloir secret. Il reçut la confession du roi et lui donna l’absolution. Grâce à sa favorite, Charles II put mourir dans la paix de la religion qu’il s’était choisie. Le courage, la présence d’esprit et l’abnégation que montra en cet instant la duchesse doivent lui être comptés. Cette femme que les pamphlets du temps accusèrent de n’avoir songé qu’à sa fortune, — des caricatures la montraient s’enfuyant avec ses bijoux loin du lit où mourait le roi, — fut la seule en ces jours de trouble qui fit preuve d’autre chose que d’égoïsme ou d’affolement. Elle trouva sa récompense dans les dernières paroles du roi.

Tandis qu’au grand scandale de Burnet, il ne disait un mot « ni de la reine, ni de son peuple, ni de ses domestiques, ni de