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la religion, ni de ses dettes, » il bénit à deux reprises le petit duc de Richmond et dans le silence général, ses dernières paroles à son frère furent pour lui recommander « la pauvre Nelly » et surtout la duchesse de Portsmouth, celle en somme qui avait été le seul amour de sa vie de débauche. « Je l’ai toujours aimée, disait-il, je meurs en l’aimant. » « Le roi, continue Burnet, le conjura dans les termes les plus passionnés de prendre soin d’elle et de son fils. » Il expira le vendredi 16 février 1685 à midi.

Comme de juste, on soupçonna un empoisonnement. On assura que les papistes, désireux de voir le duc d’York sur le trône, avaient soudoyé les domestiques de la duchesse. On alla même jusqu’à soutenir plus tard que Madame de Portsmouth aurait révélé les détails du complot. Charles II aurait projeté de convoquer un Parlement et de renvoyer son frère du royaume. La duchesse n’aurait parlé de ses intentions qu’à son confesseur qui, violant le secret de son ministère, aurait poussé à l’assassinat du roi. Il serait oiseux de réfuter de pareilles absurdités. L’état délabré de la santé de Charles II explique suffisamment la crise qui l’emporta.

Sa mort marque la fin du rôle historique de la duchesse de Portsmouth. Sans doute Jacques II, quelques instans après que son frère eut fermé les yeux, alla la voir « et lui donna beaucoup d’assurances de sa protection et de son amitié, » afin qu’elle intercédât auprès de Louis XIV pour lui faire continuer la pension qu’il payait à Charles II. Cela ne l’empêchait pas, peu de jours après, d’oublier que quelques mois auparavant la duchesse, se croyant mourante, le recommandait à toute l’amitié de son frère, d’oublier aussi les dernières promesses qu’il venait de faire à celui-ci, et d’enlever au petit duc de Richmond la charge de grand écuyer qu’il possédait depuis 1681.

Louis XIV se montra moins oublieux des services rendus et, la duchesse lui ayant fait connaître son intention de rentrer en France, il lui écrivait le 26 février : « Je compatis fort à la juste douleur que vous a causée la mort du feu roi de la Grande-Bretagne, et comme je sais que vous n’avez point manqué pendant les dernières années de sa vie à faire tout ce que vous avez cru être le plus convenable au devoir de votre naissance et au bien de mon service, non seulement je veux bien vous accorder la protection que vous me demandez en quelque endroit de mon