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L’Education bill, dont nous venons d’exposer les points principaux, a soulevé des tempêtes. Les libéraux et les dissidens demandaient non seulement le maintien, mais la généralisation des School Boards qui, s’ils fonctionnaient avec peu de succès dans les campagnes, avaient réussi dans les grandes villes, au delà des rêves de leur auteur. Le gouvernement conservateur les supprime, et il les remplace par des comités qui, nommés par les conseils locaux, tomberont, surtout dans les circonscriptions rurales, sous l’influence conservatrice et cléricale exercée par les grands propriétaires fonciers et les membres de l’église anglicane. La suppression des School Boards est, aux yeux de toute la gauche, un éclatant triomphe des tendances réactionnaires sur les idées de liberté.

La thèse des libéraux, c’est que les écoles libres, confessionnelles, vivaient difficilement, étaient appelées à disparaître ; elles avaient peine à recueillir des souscriptions suffisantes. La loi nouvelle leur procure d’importans avantages pécuniaires. Les propriétaires de ces écoles n’auront plus un penny à sortir de leur poche, sauf pour les grosses réparations. Désormais ce n’est pas seulement l’Etat, comme sous la loi Forster, ce sont les contribuables soumis à la taxe scolaire qui pourvoiront à toutes leurs dépenses. Les contribuables paieront, mais n’auront presque rien à voir à la direction de l’école libre, et c’est une violation de ce principe constitutionnel que celui-là seulement paie l’impôt qui peut en surveiller l’emploi.

Le grief des non-conformistes, c’est que la loi proposée viole la liberté de conscience consacrée par la Réforme. Car la loi de 1902 établit un monopole de fait pour l’Église d’Angleterre. Dans la plupart des petites communes rurales il n’existe qu’une école libre dirigée par le clergé anglican. Le père de famille dissenter n’a pas le choix. Il sait bien que la clause de conscience dispense son enfant de recevoir l’enseignement religieux. Mais l’esprit de l’Eglise est répandu sur tout l’enseignement. Ce n’est pas une garantie pour la minorité, ni même pour la majorité ; car souvent l’école de village a pour patrons les gros propriétaires qui appartiennent à l’Eglise officielle, tandis que les paysans sont les adeptes des sectes dissidentes. La majorité paie pour la minorité.

Le projet de loi, d’après ses adversaires, attentait à la liberté civile et à la liberté religieuse. Le ministère, chargé de terminer la guerre africaine, n’avait pas mandat pour proposer cette loi contraire à la Constitution.