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Maintenant, de la bouffonnerie nous dégringolons dans la farce et dans la parade, sans rime, sans raison, mais surtout sans drôlerie. Non, elles ne sont pas drôles les choses qui se passent dans le restaurant du quatrième acte. Bien entendu tous les personnages s’y retrouvent une fois de plus. Valentin attablé avec un copain y déguste un savoureux repas qu’il sait ne pouvoir payer, n’ayant pas un rouge liard dans sa poche. Pourquoi ? À quoi sert ce tableau ? L’auteur a-t-il voulu nous montrer la progressive déchéance d’un garçon venu pour conquérir Paris et que Paris a tôt fait de dévorer ? Et puisqu’il est plus de onze heures du soir, comment tout cela finira-t-il ?

Du restaurant borgne nous passons à l’hôtel louche où Valentin abrite ses rêves et ses déceptions. Tous les personnages de la comédie s’y rencontreront à nouveau, depuis Mme Jounel qui décidément ne se soucie pas d’être la maîtresse de ce pauvre hère, jusqu’à l’institutrice, que Valentin se résigne à épouser. Le couple retournera en province ; le séjour à Paris n’aura été pour Valentin qu’une escapade ; c’est l’épisode de fantaisie romanesque et de folle gaieté dans la vie d’un homme né provincial et fonctionnaire.

Le Beau jeune homme est une pièce manquée. Un auteur a toujours tort de manquer sa pièce ; M. Capus plus qu’un autre. Il traverse un moment qui est difficile dans la carrière de tout auteur acclamé. Précisément parce qu’il a été dans ces derniers temps un enfant gâté du succès, il doit craindre que le vent ne vienne à tourner. Il est un trop avisé théoricien de la chance pour ne pas savoir u qu’il ne faut pas interrompre la chance. » Il a beaucoup trop d’esprit pour ne pas se rendre compte qu’il y a une notable disproportion entre la valeur effective de ses pièces et l’accueil qu’elles ont reçu. Son succès n’a pu manquer de lui faire des envieux parmi ceux mêmes qui y ont contribué. Il a de bons confrères qui n’attendent que l’instant où il sera dévoré. Il devrait faire tout son effort pour leur faire attendre le plus longtemps possible cet instant où aspire leur camaraderie. Il devrait songer que si le public est prompt à se donner, il ne l’est pas moins à se ressaisir.

L’excellente troupe des Variétés n’a pas tout à fait réussi à égayer cette pièce. M. Albert Brasseur y exécute avec une verve un peu laborieuse les pitreries où il est sans rival. M. Baron est, à son ordinaire, d’une bouffonnerie monumentale. M. Guy est d’une très plantureuse bonhomie dans le rôle de M. Jounel, Mlle Yahne joue avec esprit celui de Mme Jounel ; Mlle Lavallière dans celui de la cocotte est d’une gaminerie souvent agaçante.