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de leur syndicat, et d’exclure des chantiers ceux qui n’en faisaient pas partie. Des prétentions de cette nature se sont produites dans d’autres pays, et notamment en France, mais non pas, au moins jusqu’à ce jour, avec un caractère aussi impérieux et absolu. N’ayant pas obtenu satisfaction, les ouvriers des docks se sont mis en grève. On en a aussitôt trouvé d’autres pour les remplacer, et la maison Muller et Cie, en particulier, en a recruté facilement dans les villages voisins. Des violences, des rixes, des coups, des blessures plus ou moins sérieuses ont été naturellement échangés entre les anciens ouvriers et les nouveaux, et la police avait déjà beaucoup de peine à assurer la liberté du travail, elle n’y suffisait même pas, lorsque les ouvriers des chemins de fer ont pris fait et cause pour leurs camarades des docks, et ont enjoint aux Compagnies de se refuser à transporter les marchandises des maisons dont les employés étaient en grève. Les Compagnies ont répondu qu’elles n’en avaient pas le droit. On pense bien que cette réponse n’a pas satisfait les ouvriers des chemins de fer, soit de la Compagnie hollandaise, soit de l’État : ils se sont mis en grève à leur tour, et pendant quarante-huit heures la circulation a été interrompue à la gare d’Amsterdam. La grève menaçait de devenir générale. Le gouvernement ne s’était attendu à rien de semblable ; il s’est senti ou s’est cru impuissant. Les Compagnies de chemins de fer lui ayant demandé sa protection, on lui reproche d’avoir répondu d’une manière évasive. Alors les Compagnies, impuissantes elles-mêmes et à plus juste titre, ont tout simplement capitulé. Elles ont accepté les conditions des grévistes. Elles ont déclaré qu’elles ne transporteraient pas les marchandises des maisons interdites. Bref, elles se sont soumises à toutes les exigences et la grève a pris fin immédiatement, mais après un triomphe si éclatant pour les grévistes qu’il devait immanquablement leur donner l’idée de recommencer. Tout le monde a compris que le danger était plus grand que jamais, et que l’explosion en était seulement différée.

Le gouvernement l’a compris aussi bien, sinon mieux que personne. Il a rappelé sous les drapeaux les soldats qui étaient en congé, et pris des mesures militaires qui témoignaient de sa résolution de se défendre matériellement, si des désordres matériels venaient à éclater. En même temps, M. Kuyper annonçait l’intention, qu’il a réalisée dès la rentrée du Parlement, de déposer trois projets de loi en vue d’empêcher le retour des incidens que nous venons de rappeler succinctement, ou d’autres analogues. Ces projets de loi ont pour objet, le premier d’introduire certaines modifications dans le Code de jurisprudence