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250 0000 ou 300 000 francs par kilomètre, suivant les estimations les plus modérées. Il faut, tout le long de la ligne, une espèce de petit tunnel ou de voûte en maçonnerie, étanche et construite avec grand soin, pour installer la conduite cachée dont l’attouchement fait glisser à toute vitesse le véhicule sur ses rails. Substituer à cette excitation permanente un contact renouvelé seulement de cinq en cinq mètres et, au lieu d’aller chercher l’électricité dans le sous-sol, amener celle-ci au niveau de la chaussée ; mieux encore, la faire saillir légèrement, — de 27 millimètres, — au-dessus du pavé ou du macadam, tel est le système « à plots, » dont la première application a été faite à Tours, en 1899, et qui s’est acclimaté à Paris avec les nouveaux tramways dits « de pénétration. » Il se recommande par un bon marché relatif — 60 000 francs le kilomètre — et se fait redouter par des accidens maintes fois relatés dans les gazettes.

Rien de plus ingénieux que de mettre le courant électrique à la portée des tramways qui n’ont, suivant la locution vulgaire, « qu’à se baisser pour en prendre, » et qui, en effet, le recueillent au passage sur leur « frotteur, » barre de fer rasant le sol et puisant dans les petits boutons magnétiques, dont l’entrevoie est jalonnée, de quoi continuer leur voyage. Mais aussi rien de plus périlleux que de paver les rues de boîtes sur lesquelles, en posant le pied, on risque sa vie. Les inventeurs répondraient que toute civilisation a ses revers ; que l’on voit des gens se casser la jambe, ou même l’épine dorsale, pour avoir rencontré une écorce d’orange sous leur talon, au bord d’un trottoir ; que pareille aventure n’arrivait point sous Charles le Sage, au XIVe siècle, parce que les oranges se vendaient à Paris 2 francs de notre monnaie, et que le prolétaire n’en mangeait pas dans la rue, au risque de tuer ou de blesser les passans avec les pelures. Cependant la consommation des oranges n’est point, jusqu’ici, interdite sur la voie publique.

Il est bien vrai, continueront les partisans de ce système, que les plots ont fait des victimes, mais surtout parmi les chevaux, spécialement aptes à être foudroyés à cause de leurs chaussures de fer : — la Compagnie ne prétend pas d’ailleurs que la ferrure des quadrupèdes soit prohibée à l’avenir. — Quant aux piétons atteints, on n’a pas signalé autant de décès que l’on pourrait croire ; beaucoup d’entre eux ont eu la bonne chance de s’en tirer avec un membre avarié ou un pied brûlé. Ces