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contre eux dans une commune haine les indigènes et les colons, ordinairement divisés sur toutes les autres questions. Chez le musulman, d’ailleurs, la haine des israélites dérive non seulement de leurs habitudes d’usure, mais de la religion mahométane même ; le Coran est rempli de textes qui traitent le juif de la façon la plus violente ; c’est « l’animal immonde, » et, tandis qu’avant de tuer le chrétien il faut chercher à le convertir, le juif doit être supprimé sans pitié, en toute circonstance et par tous moyens.

La question du sémitisme a atteint en Algérie un degré d’extrême acuité, qu’il était facile de prévoir depuis quelques années ; il n’est pas douteux, en effet, que le rôle prépondérant joué dans différentes circonstances par l’élément Israélite, quoiqu’il ne constitue qu’une minorité infime dans l’ensemble de la population, devait provoquer des mécontentemens et des haines féroces chez des populations qui, bien que différentes d’origine, sont animées dans ces questions d’une égale ardeur. Aujourd’hui, les choses deviennent de jour en jour plus délicates, et il ne faudrait pas s’étonner que, par une de ces réactions aussi inévitables dans la vie des peuples que dans les sciences physiques, elle fut un jour résolue d’une manière violente.

A un moindre degré, l’impopularité des Maltais est analogue, car ils pratiquent des opérations financières de même nature.

La population musulmane, de beaucoup la plus nombreuse, se partage en deux races distinctes, dont la religion est le seul lien. L’une, la race arabe, est celle du vainqueur ; elle domine en général dans le désert et sur les hauts plateaux ; l’autre, la race kabyle, descend des anciens habitans du pays et occupe surtout les régions montagneuses. Il est assez difficile d’apprécier leur importance respective, car les tribus de race kabyle s’étendent bien au-delà de la Kabylie. Il est certain cependant qu’elles dépassent la moitié de la population indigène de toute l’Algérie ; peut-être même en atteignent-elles les deux tiers.

De nombreuses différences séparent ces deux races ; et d’abord l’extérieur : il n’est pas rare de rencontrer en Kabylie des hommes grands, blonds, aux yeux bleus, dont l’origine doit remonter aux Vandales, aux Suèves, ou Wisigoths qui se sont répandus sur la Mauritanie lors de l’invasion des barbares, tandis que l’Arabe, presque toujours plus petit, est brun de teint et de chevelure. Le premier plutôt sédentaire, le second plutôt