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propriété indigène, tandis que, plus la date de constitution s’éloigne, plus il y a de chances pour que la situation de fait n’ait aucun rapport avec la situation de droit. Il est vrai que l’application de ces mesures aurait demandé un assez nombreux personnel, mais pourquoi entreprendre une œuvre de ce genre, si l’on n’assure d’avance les moyens de s’en servir et de la conserver ?

La loi de 1873 n’a même pas eu l’avantage de constituer la propriété d’une manière irrévocable ; dans le passé, sa véritable utilité eût été d’opérer une purge de tous les droits réels antérieurs. On a rappelé précédemment que certains commissaires-enquêteurs tenaient pour non avenues des acquisitions par adjudication publique ou par acte authentique. Mais la Cour de cassation est intervenue au nom des vrais principes juridiques et a déclaré opposables aux porteurs des titres délivrés en vertu de la loi de 1873 les actes notariés ou administratifs antérieurs à cette loi ; ainsi, faute d’avoir fait intervenir l’autorité judiciaire dans la constatation de la propriété, on s’expose à la voir détruire seule un acte de l’autorité administrative ; n’est-ce point là une confusion absolue des différens pouvoirs ? confusion d’autant plus fâcheuse qu’elle ouvre la porte à d’interminables procédures.

Ce ne sont pas seulement les successions, mais même les transmissions à titre onéreux, qui viennent annihiler les effets de la loi île 1873 ; on peut, en effet, modifier le titre délivré en vertu de cette loi, soit par un acte sous seing privé, soit par un acte du cadi, qui échappent l’un et l’autre à la transcription. Et d’ailleurs, tout notre système hypothécaire reposant sur la publicité du nom du propriétaire, et non sur la désignation des immeubles, n’y a-t-il pas encore là une autre cause d’erreurs et de confusions, dans un pays où l’état civil est établi de la manière qui vient d’être indiquée ?

Une bonne partie de ces inconvéniens a été signalée par plusieurs jurisconsultes, et le gouvernement général s’en était ému. Il y a environ vingt ans, un professeur de l’Ecole de droit d’Alger avait été chargé d’examiner en Tunisie le nouveau régime foncier qui venait d’y être établi sur les bases du système Torrens. De cette mission sortirent une étude intéressante et un projet de réforme qui vinrent enrichir la bibliographie algérienne, et ce fut tout ; ni le gouvernement général, ni la députation de la colonie, ni le gouvernement français ne songèrent à