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non pas seulement dans le rapport jadis classique de 1 à 15 et demi, mais dans un rapport fixe quelconque, fût-ce de 1 à 40 ; s’il est descendu, chez la plupart des nations modernes, au rang secondaire de monnaie d’appoint ; s’il est menacé d’un prochain détrônement dans les pays mêmes qui, comme le Mexique, le produisent en grande quantité et remploient à titre exclusif, il n’en conservera pas moins, pendant de longues années encore, la place que l’évolution monétaire de l’humanité lui assigne aujourd’hui. Cette évolution est d’ailleurs bienfaisante, en dépit de certaines souffrances individuelles et passagères qu’elle a pu provoquer et qui ont été grandement exagérées. Elle contribue à faciliter les rapports entre les diverses nations, au même titre que les chemins de fer, les bateaux à vapeur, les câbles télégraphiques : les échanges se font d’autant plus facilement entre les hommes que les instrumens monétaires sont plus semblables. Tous les sophismes de ceux qui ont prétendu que la monnaie dépréciée constituait une protection pour l’agriculture et l’industrie ont été percés à jour ; c’est aux agioteurs seuls que les fluctuations du change profitent ; il est inutile de revenir sur une démonstration désormais acquise. Nous pouvons nous contenter d’enregistrer ce nouveau progrès dans les relations internationales et de souhaiter que ce progrès matériel entraîne à sa suite un progrès moral, en donnant occasion aux peuples de mieux se connaître, de dépouiller les préjugés qui les arment les uns contre les autres, de s’estimer davantage, sans cesser de se respecter.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.