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œuvre de 1859. Quant à un traité entre la Prusse et l’Italie, on ne le conseillait pas et on n’en décourageait pas ; il appartenait à l’Italie d’adopter dans l’entière liberté de son jugement les combinaisons les plus propres à l’accomplissement de ses destins[1]. Notre ambassadeur à Berlin, Benedetti, ne fut mêlé en rien à la négociation ; il n’en savait que ce qu’il plut, soit à Bismarck, soit aux négociateurs italiens, de lui en conter ; et Drouyn de Lhuys s’est toujours défendu d’être intervenu d’une manière quelconque dans la conclusion du traité prusso-italien[2].

La politique faite par l’Empereur lui-même, le prince Napoléon, Nigra, Goltz, Arese, Pepoli, Vimercati, servie indirectement par Benedetti qui avait vent de ce qui se passait aux Tuileries[3], engageait, comme la politique ministérielle, à ne pas prendre l’initiative des hostilités, mais conseillait fermement de mettre la Prusse en mesure de la prendre en lui promettant une assistance immédiate. En conséquence, lorsque Nigra eut fait connaître à Napoléon III les hésitations de La Marmora à se contenter provisoirement d’un traité purement éventuel et générique, celui-ci l’engagea à faire l’alliance dans ces conditions, parce qu’un traité, même de cette nature, pourrait amener plus facilement la Prusse à déclarer la guerre (21 mars).

Il pria le prince Napoléon de retourner aussitôt vers son beau-père (22 mars) et de lui porter les mêmes recommandations avec l’assurance que non seulement il n’était pas blessé, ainsi que le redoutait La Marmora, mais qu’il l’approuvait. Il l’engageait à signer, malgré cette réciprocité qu’ils s’acharnaient à demander. « Ils ne l’obtiendront pas, dit-il au Prince, et leur insistance ferait tout manquer. » En conservant sa liberté d’action dans les autres éventualités, il autorisait le Prince à promettre à son beau-père un appui matériel, si, la Prusse manquante ses engagemens et concluant une paix séparée, l’Autriche fondait

  1. Drouyn de Lhuys à Benedetti, 31 mars 1866.
  2. Drouyn de Lhuys à Emile Ollivier : « Saint-Hélier, 6 mars 1871. — Mon cher ancien collègue. — Je n’ai pris aucune part, soit verbalement, soit par écrit, aux négociations d’où est sorti le traité d’alliance prusso-italienne. L’Empereur ne s’en est jamais ouvert avec moi. C’était donc, à mon égard, res inter alios acta. Aussi n’éprouvais-je ni embarras, ni scrupule à suivre avec l’Autriche les négociations que vous savez. »
  3. Govone à La Marmora (28 mars 1866). — De Barral, 27 mars. « Quoique l’ambassadeur de France dise qu’il n’a pas d’instructions, il est évident qu’il pousse de toutes ses forces à notre alliance offensive et défensive avec la Prusse. »