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toujours requis aux heures critiques. En même temps, un autre messager de non moindre importance, et sur lequel il ne comptait pas, s’offrait pour éclaircir la situation.

Le prince Napoléon voyageait en Italie, depuis le mois de février, en dilettante. Passant à Reggio, il aperçut un certain mouvement militaire qui lui parut insolite, et demanda au préfet pourquoi cette animation. Celui-ci lui répondit que c’étaient des recrues qu’on appelait et que tout se préparait pour la guerre. Le prince courut à Florence aux renseignemens. La Marmora lui expliqua que, ne pouvant compter sur le concours de la France, pressé cependant par l’opinion d’entreprendre quelque chose en faveur de Venise, ne croyant pas les forces italiennes suffisantes, il s’était engagé dans des négociations avec Bismarck qui avait besoin de l’Italie pour entraîner son roi et le rassurer contre la crainte d’une intervention française. Il ajouta qu’il était, d’une part, inquiet de la manière dont l’Empereur accueillerait cette nouvelle, et, de l’autre, arrêté par l’inégalité de situation que le projet de traité établissait entre la Prusse et l’Italie. Par cette double raison, il ne croyait pas pouvoir conclure. Le prince interrompit son voyage et rentra immédiatement à Paris rendre compte de cette conversation.

Depuis l’échec de ses dernières tentatives à Vienne, l’Empereur restait convaincu que l’Autriche ne céderait jamais la Vénétie si elle n’y était contrainte et qu’elle ne ferait aucune proposition dans ce sens. C’est pourquoi, ayant plus que jamais à cœur la délivrance de la province captive, il était favorable à la guerre. Cependant il n’osait y pousser à découvert. Deux obstacles l’arrêtaient : l’un tout intérieur, l’état de l’opinion française manifestement hostile. S’il lui était encore loisible de n’y pas obéir, il n’était plus assez fort pour la braver. L’autre obstacle était l’engagement pris, à la veille de l’entrevue de Varsovie, de ne point pousser l’Italie à attaquer l’Autriche, ce qu’il eût paru faire en conseillant le traité. Il eut donc encore deux politiques : l’une ministérielle, l’autre impériale.

La première, telle que la formula Drouyn de Lhuys dans ses instructions à Vienne et à Berlin, était la neutralité attentive aussi longtemps que les intérêts de la France ne seraient pas compromis. Si l’Italie attaquait l’Autriche, elle agirait à ses risques et périls ; ce n’est que si l’Autriche prenait l’initiative de la guerre que l’Empereur se croirait obligé de défendre son