Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et anti-catholique ; que, dans les congrégations, dans leurs écoles et dans leurs œuvres, ce soit bien une Église, ce soit bien une religion qu’elle poursuit ; et, certes, il n’est pas besoin d’en donner la preuve, car l’aveu en a été fait, maintes fois, par les plus ardens ou par les plus francs des inspirateurs de cette politique.

Ce n’est pas tout. Les lois, chacun le sait, ont souvent des conséquences, ou une répercussion que n’ont pas prévues les législateurs. Cela n’est pas seulement vrai du domaine économique et fiscal, où l’incidence de l’impôt est chose si obscure et si débattue. La loi n’atteint point toujours uniquement ceux qu’elle vise ; elle frappe souvent ceux qu’elle croyait épargner. Ainsi en est-il de la loi du 1er juillet 1901, surtout après les règlemens et les lois accessoires qui, sous prétexte de la compléter, l’ont aggravée et parfois dénaturée. Si les hommes qui l’ont votée n’ont cru frapper que les congrégations religieuses, ils se sont singulièrement mépris, et les plus sincères d’entre eux seront bientôt forcés d’en convenir. La loi Waldeck-Rousseau, interprétée et appliquée par M. Combes, n’atteint pas seulement les couvens, les bons Pères et les religieuses ; elle frappe deux choses que nos législateurs prétendent aimer également toutes deux : la liberté et la France.

Aussi, en dehors des catholiques qui condamnent la loi et la réglementation nouvelle comme attentatoires aux droits de l’Eglise, y a-t-il deux classes d’hommes que leur conscience oblige à combattre non moins résolument la politique anti-cléricale, fussent-ils eux-mêmes hérétiques ou libres penseurs, deux classes d’hommes que l’esprit d’exclusivisme n’a pas encore réussi à mettre en dehors de la République, les libéraux et les patriotes, ou, — si le sens de ces deux termes, dont les partis ont tant abusé, semble obscurci, — nous dirons, sans équivoque, les hommes qui demeurent invinciblement attachés à l’idée de liberté et les hommes qui, à travers toutes nos querelles politiques ou nos polémiques confessionnelles, ne perdent jamais de vue les intérêts permanens de la France. C’est à ce double titre que, pour notre part, nous réprouvons l’anti-cléricalisme et les lois anti-cléricales. Nous les réprouvons comme libéral, c’est-à-dire comme ami de la liberté et de toutes les libertés, en homme qui se sent blessé dans son droit, chaque fois que le droit d’un de ses concitoyens est violé, fût-ce un prêtre ou un moine ;