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en homme qui n’accepte la solidarité d’aucune tyrannie et d’aucune proscription, fussent-elles le fait de majorités parlementaires et fussent-elles couvertes du manteau de la légalité.

Pour juger de pareilles lois et une pareille politique, il nous suffirait qu’elles portassent atteinte à trois libertés essentielles : la liberté d’association, la liberté d’enseignement, la liberté de la charité, sans compter les autres libertés, y compris celle d’exercer librement sa profession, que les lois récentes suppriment ou entament gravement.

Et si l’on vient nous dire que notre libéralisme est archaïque et démodé ; que ces libertés qui nous restent chères n’importent plus à personne ; qu’au surplus nous ne comprenons point la liberté ; que les jacobins seuls l’entendent et qu’il ne peut y avoir ni droit, ni liberté contre la volonté du plus grand nombre et contre l’intérêt de la nation, nous répondrons que les majorités sont éphémères et faillibles, et que l’intérêt national suffirait seul à faire de nous un adversaire résolu des lois en question et de la politique qui les inspire. Car ce n’est pas seulement le libéral, le défenseur de la liberté et de l’égalité devant la loi, que révoltent en nous la politique et les lois anti-cléricales ; c’est non moins le patriote, le Français habitué à mettre les intérêts du pays au-dessus des intérêts et des passions de parti. Tel est le point de vue auquel nous comptons nous placer en cette étude, et nous osons espérer qu’aucun de nos lecteurs ne le trouvera étroit ou mesquin. Laissant de côté les droits de l’Eglise et les intérêts de la religion, aussi bien que les droits ou les intérêts des citoyens, nous n’envisagerons, aujourd’hui, que les intérêts généraux de la France et de la grandeur française. Par ce temps de division des esprits et d’anarchie des consciences, où il ne reste plus de principes admis de tous, la meilleure manière de nous entendre entre Français, c’est encore, semble-t-il, de nous élever au-dessus de nos rancunes de partis et de nos préférences personnelles, pour regarder uniquement le bien de la France ; et si l’on ne peut être d’accord sur la façon de faire le bien du pays à l’intérieur, il est moins malaisé de reconnaître ce qui peut faire la force, l’ascendant et la puissance de la France au dehors. Nous savons que certains de nos concitoyens traiteront ce point de vue de suranné ; que, pour eux, toute marque de souci patriotique est le signe d’un esprit arriéré ; et que, par défiance du nationalisme, ils ne tolèrent