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revenir à ce vieux plan, maintes fois abandonné, maintes fois repris, d’une marche offensive qui devenait de plus en plus difficile. Il l’exposait au Roi dans une longue dépêche, où il continue cependant d’affirmer sa confiance, et qu’il complétait par une lettre à Chamillart : « Ce que je propose est sûr, écrivait-il à ce dernier, et fera des effets étonnans. » Il se flattait d’avoir obtenu l’assentiment complet du Duc de Bourgogne à ce projet. Il s’en fallait cependant que cet assentiment fût sans réserve, et le même courrier emportait une lettre du Duc de Bourgogne à Chamillart, où, sans faire opposition à l’exécution de ce nouveau ou plutôt de ce vieux plan, il ne pouvait s’empêcher de dire qu’il y trouvait « des côtés bien hasardeux[1]. » On sent que, s’il cesse de résister, il n’est pas davantage convaincu, et qu’il subit l’influence de Vendôme, comme il subissait celle de Berwick, avec cette différence que la prudence de l’un convenait bien mieux à son tempérament que la témérité de l’autre.

Le Roi donnait son approbation à ce projet, comme il l’avait fait pour tous les plans d’offensive, et, pour la dernière fois, il encourageait le Duc de Bourgogne à l’action : « J’espère, lui écrivait-il, que Dieu bénira votre entreprise, et que la campagne finira par un retour qui vous donneroit autant de gloire qu’il me causeroit de satisfaction[2]. »

La marche en avant de l’armée, tant de fois projetée, puis retardée, le fut une dernière fois par la nécessité d’attendre l’issue d’une entreprise mal conçue sur Bruxelles. L’Electeur de Bavière, retour d’Allemagne, se laissa persuader par Bergeyck que la capitale des Pays-Bas pourrait être surprise comme l’avaient été Gand et Bruges. La surprise manqua, les bourgeois, avec lesquels on croyait avoir des intelligences, ne s’étant pas soulevés comme ils l’avaient promis. L’Electeur ne voulut pas avoir le dernier, et il fit mine de commencer le siège de la ville, demandant même au Duc de Bourgogne l’envoi de quelques bataillons de renfort, ce qui affaiblissait l’armée. Cette tentative malheureuse inspira à Marlborough un dessein audacieux, dont quelques jours auparavant Vendôme déclarait encore le succès impossible, tandis qu’au contraire le Duc de Bourgogne en avait toujours signalé le danger. Il entreprit de forcer le passage de l’Escaut

  1. Dépôt de la Guerre, 2 084. Vendôme au Roi et à Chamillart. Le Duc de Bourgogne à Chamillart, 22 nov. 1708.
  2. Ibid., 2 081. Le Roi au Duc de Bourgogne, 23 nov. 1708.