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semble que nous ayons conservé le second. Pure illusion ! Si en 1900, par exemple, l’exportation de nos produits chimiques monte à 253 millions de francs, dépassant de 20 millions l’exportation anglaise, en revanche, nos importations, d’une valeur de 286 millions, dépassent de 146 millions les importations anglaises et sont supérieures de 33 millions à nos exportations.

Serrons de plus près la question, en comparant seulement ce qui est comparable, c’est-à-dire les produits dont la fabrication nécessite l’intervention de l’homme de science. Les chiffres, alors, parlent d’eux-mêmes.

Pour ce que nous avons appelé la grande industrie chimique, en 1900, l’exportation allemande s’élève à 142 millions de francs, la nôtre à 88 millions, soit 54 millions en moins ; les importations correspondantes montent à 44 millions pour l’Allemagne, à 135 millions pour la France, soit 91 millions en plus. Pour l’industrie des matières colorantes artificielles, les résultats sont encore plus significatifs : l’Allemagne exporte pour 189 millions de francs et importe pour 21 millions ; nous exportons pour 16 millions et importons pour 17 millions.

Une importation, pour les matières colorantes artificielles presque égale à l’importation allemande, une exportation qui lui est inférieure de 173 millions de francs, tel est le résultat que, pour une grande part, nous devons, à la fois, aux savans qui se sont entêtés, chez nous, à méconnaître le rôle vivifiant et créateur de la théorie atomique, et à nos industriels, trop enclins, en général, à dédaigner les hommes de science et la science elle-même, alors que telle usine allemande, comme la Fabrique badoise d’aniline et de soude, n’occupe pas moins de 148 chimistes, dont plus de la moitié ont le titre de docteur.

Gardons-nous, cependant, d’un pessimisme exagéré. Nous sommes au troisième rang, soit, et encore ce rang modeste, les Etats-Unis s’apprêtent-ils à nous le disputer. Mais, en 1901, nos exportations en produits chimiques sont montées à 262 millions de francs, dépassant de 4 millions nos importations : une seule année a donc suffi pour améliorer la situation à ce point que notre exportation ait augmenté de 10 millions et que notre importation ait fléchi de 28 millions. L’espoir d’un avenir meilleur ne nous est donc pas interdit.


P. BANET-RIVET.