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grand crédit, pour le prier de protéger et de surveiller l’Académie, « exposée, dit-il, à d’étranges accidens, faute d’argent, et en mauvais état. »

La précieuse fondation de Colbert était sauvée. Celui qui la relevait n’eut garde de la laisser péricliter à nouveau. Il y tint la main, se méfiant de la faiblesse de Poerson :

« Une chose dont vous ne me parlez jamais, lui écrivait-il plus tard, c’est de vos élèves, dont il y a un siècle que vous ne dites mot. Votre silence me fait craindre que vous n’ayez rien de bon à en dire… Il faut au moins que la dépense qu’ils coûtent au Boy ne soit pas inutile, et vous devez vous faire un honneur de nous envoyer de bons sujets. » Le duc d’Antin redoutait avec raison le peu d’énergie d’un directeur qui, en fait de remède aux embarras de sa propre institution, ne proposait rien autre que de la supprimer. Plus tard, il le fit suppléer, sous prétexte d’âge, par Wleughels, qui gouverna sans en avoir l’air, avant de prendre officiellement le poste qu’il devait ensuite fort bien remplir. Et quand Poerson mourut, toute l’oraison funèbre que le Surintendant des Bâti mens royaux lui accorda fut celle-ci : « Je suis fâché que le sieur Poerson soit mort ; mais je suis bien aise que son employ soit vacant, car le bonhomme ne faisait que radoter… »

A partir de ce moment, l’Académie de France à Rome allait suivre une brillante carrière, non sans jours de lutte, mais sans nouvelle défaillance. D’autres difficultés l’attendaient : la Révolution française, à la fin du siècle, et au siècle suivant, les guerres pour l’unité de l’Italie qui, en 1849, la forcèrent même de se réfugier à Florence. Elle les surmonta vaillamment, fièrement. Et jamais plus, ni dans la pensée de ses directeurs, ni dans celle de la France, l’opportunité de son abdication ne fût même envisagée.

Mais, à une institution de ce genre, il ne suffit pas de vivre. Il lui faut évoluer, progresser, suivre, sous peine de caducité et de dessèchement, le développement des idées et de l’âme d’une race. Nous allons voir que telle fut la destinée de l’Académie de Rome, et que la souplesse de son organisation la rend capable de fournir à l’art cette aide subtile, qu’on admettrait de moins en moins si elle gardait une forme surannée, autoritaire et systématique.

Les circonstances ont changé depuis Louis XIV. A l’époque