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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/919

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où ce grand roi, sur l’initiative de Colbert, fonda notre Académie de France à Rome, tous les profits étaient à tirer de cette source d’art si abondante et si forte qu’est l’Italie. Rien ou presque rien n’en parvenait à nos jeunes artistes. Les voyages, coûteux, difficiles et longs, n’entraient guère dans les mœurs, surtout pour de pauvres débutans. Les reproductions des modèles antiques n’existaient pour ainsi dire pas en France. Qui les eût faites ? Qui les eût envoyées à grands frais ? Et comment blâmerait-on le gouvernement à qui l’Académie doit sa naissance, d’avoir tout d’abord soumis ceux qu’il y envoyait, à ce formidable travail de copies qu’atteste la correspondance des premiers directeurs ? C’était par vaisseaux que partaient les marbres, les moulages, les toiles, destinés à peupler nos parcs, nos musées, à décorer nos palais, quand l’art des Gobelins avait transformé en tapisseries inestimables les œuvres de Raphaël. Et encore en restait-il beaucoup là-bas, dans l’Académie elle-même, qui s’enorgueillissait de ses collections, où figuraient, en marbre et de la main de ses élèves, les plus fameuses effigies de l’antiquité.

Un siècle après la fondation de l’Académie, le Directeur général des Bâtimens, M. d’Angiviller, écrivait à son directeur, M. Vien : « J’insiste fortement sur l’exactitude à faire des copies. C’est pour le bien des jeunes gens. Les Coysevox, les Bouchardon, les Coustou, ont fait des copies plus belles que les originaux mêmes, s’il est possible : le petit Faune en est la preuve. » Aujourd’hui que tant de labeur, et des procédés plus vulgarisateurs encore, tels que la photographie, sans compter la rapidité, la facilité des voyages, nous ont familiarisés avec les chefs-d’œuvre de tous les temps, nous avons peine à nous imaginer quelle révélation fut pour les contemporains de Louis XIV la découverte de ces images fameuses, et avec quelle émotion leur arrivée devait être accueillie. Un navire étant parvenu à Marseille, et son chargement transporté jusqu’au Havre par les canaux et l’Océan, puis enfin amené au port de Marly, après une longue attente, le duc d’Antin écrivait à Poerson au mois d’août 1715, peu avant la mort de Louis XIV, dont ce fut sans doute la dernière joie :

« Nos caisses ont été débalées depuis plusieurs jours et ont esté si bien conditionnées qu’il ne s’est pas trouvé un seul fétu de cassé, et vous êtes bien louable de tous les soins que vous avez pris pour cela. Le Roy en fait son amusement depuis qu’elles