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« Celle-ci est la suite et l’achèvement de la raison. » Elle est la force indispensable pour développer, pour élever, pour humaniser à la fois et pour diviniser la nature de l’homme. Et, entre toutes les révélations aucune ne réalise aussi parfaitement cet objet que la doctrine du Christ. « J’ai eu beau chercher, écrit Lavater, je n’ai rien pu découvrir d’aussi raisonnable que les Evangiles, ni d’aussi bien approprié à tous les besoins spirituels et moraux de l’humanité. » Et l’un de ses écrits les plus caractéristiques porte pour titre : De la nécessité de Jésus-Christ pour l’accomplissement de la nature humaine.

C’est par-là, par sa merveilleuse appropriation à tous les besoins fonciers de notre vie, que se prouve la vérité de la révélation chrétienne. « Toute la métaphysique chrétienne, dit éloquemment Lavater, n’est et ne pourra jamais être qu’une métaphysique du cœur. » Et le devoir du chrétien n’est pas d’essayer de comprendre Dieu, mais d’essayer de le sentir, de l’aimer et de l’imiter. De Dieu, comme de toutes choses, nous ne pouvons avoir qu’une connaissance « relative. » A notre raison humaine il se révèle sous une forme humaine : il se personnifie pour nous dans l’image du Christ. « Le Christ est Dieu visible, sensible, Dieu rendu accessible à l’homme sous la forme de l’homme parfait. » Et non seulement nous sommes ainsi admis à le concevoir, mais nous pouvons encore nous unir à lui, participer effectivement de sa divinité. Nous le pouvons par la foi, qui, si elle était en nous assez forte, nous permettrait de dominer même l’apparente nécessité des lois naturelles. « Qu’est-ce qui est miracle ? demande Lavater ; qu’est-ce qui n’est pas miracle ? Tout est miracle pour nous, rien ne l’est pour le Christ. » Et ailleurs : « Si vous aimiez Dieu de tout votre cœur et votre prochain autant que vous-même, je vous assure que vous auriez vraiment en vous l’esprit du Christ, et la possibilité d’avoir en soi cet esprit est, pour moi, un miracle bien plus grand encore que le transport d’une montagne. »

On a beaucoup reproché à Lavater cette théorie du miracle, qui a été en effet, dans sa vie, la source d’un grand nombre d’erreurs, d’illusions et de mésaventures. Persuade du caractère relatif de la connaissance, de la supériorité de l’esprit sur la matière, et de la réalité du pouvoir thaumaturgique conféré par la foi, l’excellent homme n’a point cessé de prendre au sérieux, avec une curiosité et une candeur vraiment enfantines, toutes les manifestations de phénomènes surnaturels qu’on lui signalait aux quatre coins de l’Europe. Et lui-même, vingt fois, a douté de la valeur de sa vocation de prêtre, vingt fois il s’est accusé d’être un mauvais chrétien ; parce qu’il ne parvenait pas à