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produire un seul de ces « miracles » qu’il tenait pour le signe de la communion avec Dieu. Mais il avait tout à fait le droit, après cela, de nier que sa théorie du miracle eût le caractère grossièrement superstitieux qu’on lui attribuait. Il attachait une importance excessive, en fait, à un détail particulier de sa doctrine religieuse : mais il se rendait bien compte que c’était là un travers personnel, et que le christianisme tel qu’il l’entendait pouvait parfaitement se passer de nouveaux miracles. Ou plutôt il reconnaissait, comme on l’a vu, que l’action bienfaisante de la foi sur l’âme était, à elle seule, un miracle plus étonnant et plus beau que toutes les « expériences » des magnétiseurs.

Et, tout en continuant à interroger ses amis sur des cas singuliers de magnétisme ou de double vue, il travaillait assidûment à réaliser en lui ce grand miracle de la communion avec Dieu. Par la méditation, par la prière, il s’efforçait de réaliser dans son cœur l’avènement du Christ ; mais surtout par l’amour, qu’il tenait pour le plus « chrétien » des sentimens humains. « Le réveil en nous de l’amour, disait-il, est l’œuvre essentielle du Christ. Aimer et être aimé, c’est vivre et donner la vie : et il n’y a point d’autre religion que l’amour, ni d’autre salut. Nous vivons par Jésus, qui nous aime ; et c’est par-là que nous donnons la vie aux autres hommes, en les aimant comme il nous aime. » Il s’était si profondément imprégné de la pensée du Christ qu’il en éprouvait une sorte d’ivresse mystique, dont tous ceux qui l’approchaient étaient émerveillés. Et l’ardeur de son christianisme lui avait donné, entre autres vertus, une admirable tolérance en matière religieuse. Pourvu qu’on cherchât Dieu, il était prêt à tout comprendre et à tout approuver. « Le Christ, disait-il, saura bien nous justifier tous, par quelque voie que nous nous soyons élevés jusqu’à lui. Je connais des sociniens, des déistes, que dis-je ! des athées que je tiens pour au moins aussi religieux que moi-même. Oh ! comme nous savons peu ce qui se passe au fond de l’âme d’un homme dont l’opinion diffère de la nôtre !… O Amour, toi seul sais combien noble, combien pur, combien grand devant Dieu est plus d’un sceptique ! » Mais surtout il s’indignait du préjugé qui, aux yeux des protestans, excluait le catholicisme du nombre des confessions chrétiennes qu’ils pussent respecter. Un de ses plus beaux poèmes, Impressions d’un Protestant dans une église catholique, était consacré tout entier à l’affirmation de ce sentiment. « Pourvu seulement qu’on aime le Christ, y disait-il, il n’en faut point davantage pour être un bon chrétien. » Après quoi, au grand scandale de son temps (et du nôtre, car