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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/963

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qu’il prend fermement lui-même les moyens nécessaires pour la faire respecter.


La place nous manque pour parler de la situation dans les Balkans. Elle ne s’est pas améliorée depuis quelques jours, tant s’en faut ! et la mort de M. Chtcherbina, consul de Russie à Mitrovitza, ne peut encore que l’aggraver. M. Chtcherbina est victime de l’insurrection albanaise. Il a contribua avec beaucoup de présence d’esprit et de courage à la défense de Mitrovitza, et c’est en grande partie grâce à lui que l’assaut livré à la place par les Albanais a été repoussé. Mais le lendemain, comme il passait devant un soldat, celui-ci lui a porté les armes et, immédiatement après, tiré un coup de fusil dans le dos. Le malheureux consul a été percé de part en part. Le bruit a couru d’abord que sa blessure n’était pas mortelle, et les autorités ottomanes en ont profité pour condamner au plus vite le meurtrier à quinze ans de travaux forcés. M. Zinovieff a protesté aussitôt contre l’insuffisance de cette peine, et la mort de M. Chtcherbina permet plus difficilement que jamais à la Russie de s’en contenter. Le meurtrier est un soldat de l’armée régulière, ce qui engage plus étroitement la responsabilité de la Porte. De plus, il est Albanais, ce qui donne à l’insurrection albanaise un caractère d’autant plus menaçant qu’elle paraît s’étendre jusque dans l’armée. Cet événement malheureux oblige le sultan à ouvrir les yeux sur le danger que les Albanais font courir à ses relations internationales, aussi bien qu’à la paix balkanique. Il devient nécessaire et urgent de prendre contre eux des mesures qui se sont fait attendre trop longtemps. Le premier sang répandu l’a été par leurs mains. Beaucoup de sang coulera encore, si on ne s’empresse d’y mettre ordre.

Le désordre, la violence, le pillage règnent aujourd’hui dans toute la Macédoine, et il faut convenir que la responsabilité en revient presque tout entière aux bandes révolutionnaires bulgares. Il y a évidemment un parti pris de leur part d’obliger l’Europe à intervenir ; mais l’Europe parait décidée à ne pas le faire, si on en juge par la politique des deux puissances qui ont les intérêts les plus directs dans la péninsule : nous voulons parler de la Russie et de l’Autriche. La Russie est occupée ailleurs ; elle voit d’un œil impatient et même irrité ce qui se passe en Macédoine ; elle continue de peser sur la Bulgarie et sur la Serbie pour les maintenir dans l’abstention. On peut se demander, toutefois, si son action à Sofia et à Belgrade est toujours aussi efficace qu’elle paraissait l’être au moment du voyage du