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en mesure de faire promptement face à chacune de ces éventualités. Coupant droit au cap Saint-Vincent et raccourcissant de plus de trente lieues la route que tenaient alors les grosses escadres, il mouillait le 22 septembre à l’embouchure du Tage.

La présence de nos bâtimens, depuis longtemps attendue à Lisbonne, allait en même temps maintenir le roi de Portugal dans une alliance dont l’Angleterre cherchait à le détacher par tous les moyens et notamment en suscitant, jusque dans son entourage, des doutes sur l’efficacité de notre concours.

Cependant, au bout de quelques semaines, il fut enjoint à Château-Renault d’aller sans délai rallier à Cadix l’escadre de d’Estrées. Le brusque départ de l’amiral était motivé par les renseignemens recueillis sur les mouvemens de la flotte anglaise. Les nouvelles reçues à Versailles faisaient en effet connaître que le Portugal n’avait rien à redouter et que seules les colonies espagnoles se trouvaient menacées ; car, après s’être avancé jusqu’à hauteur d’Ouessant, d’où il avait détaché vers la Jamaïque son lieutenant Bembow avec trente-six vaisseaux, Rooke venait de se retirer dans la Manche pour y désarmer. Ces dispositions ne laissaient aucun doute sur les intentions du roi Guillaume et, par suite, Château-Renault devait se rendre en toute diligence à Cadix afin d’y conférer avec d’Estrées avant de se lancer à la poursuite de Bembow.

Le temps pressait. L’amiral anglais, parti d’Ouessant le 15 septembre, disposait déjà d’une avance d’environ trois semaines, dont il était à craindre qu’il ne profitât pour attendre, soit sur les Açores, soit entre ces îles et le Grand-Banc, la flotte du Mexique. Les instructions envoyées à d’Estrées, alors que l’incertitude planait encore sur les desseins de l’Angleterre, lui exposaient avec précision, ainsi que nous l’avons vu, les entreprises susceptibles d’être tentées par la flotte anglo-hollandaise, et lui indiquaient les mesures à prendre pour s’y opposer. Mais une seule éventualité n’avait pas été prévue, celle qui précisément venait de se produire : Rooke désarmant, qu’aurait à faire d’Estrées, dont la présence à Cadix devenait présentement inutile ?

De nouveaux ordres lui prescrivirent alors de détacher à l’escadre de Château-Renault quatorze de ses vaisseaux et de rentrer à Toulon tout en exécutant, chemin faisant, une démonstration sur les côtes du royaume de Naples.