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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/148

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échelonnées au Nord de la baie et il avait établi Sorel, avec celles de la marine et quelques Espagnols, en avant de la batterie de Rande. Malgré leur infériorité numérique, ces troupes opposent au duc d’Ormond une vigoureuse résistance. Trois fois refoulées, trois fois elles regagnent le terrain perdu, jusqu’à ce que, épuisées par un tel effort, elles doivent se replier à l’intérieur de la redoute. Là Sorel reforme encore les siens et, l’épée à la main, se précipite à leur tête hors des retranchemens, cherchant, mais en vain, à se frayer un passage. Il est fait prisonnier et du Plessis-Liancourt est tué dans la batterie où le duc d’Ormond plante son drapeau.

Immobilisée jusque-là par un calme plat, la flotte ennemie, soudain favorisée par le vent, entre alors en action. Précédée de ses chaloupes et de ses brigantins, elle se dirige vers la partie de l’estacade que la batterie de Rande ne peut plus défendre. Ni le feu de nos pièces établies à l’autre extrémité de ce barrage, ni le canon de l’Espérance et du Bourbon, postés immédiatement en arrière, ne sont capables de l’arrêter et, sous sa formidable pesée, la chaîne se rompt successivement en plusieurs endroits.

Le vice-amiral anglais Hopson la franchit le premier. Aussitôt L’Escalette pousse son brûlot le Favori vers l’amiral rouge d’Angleterre ; mais il est blessé de trois coups de feu, et c’est son second, un simple garde de la marine nommé La Pomarde, qui, s’accrochant au vaisseau d’Hopson, le brûle en partie.

Tandis que l’avant-garde des Anglo-Hollandais s’avance, suivie de proche en proche par les autres vaisseaux de leur flotte, le duc d’Ormond se porte avec ses grenadiers dans la direction de Redondela, que la fuite des milices a laissée sans défense. Ainsi par un mouvement identique à celui qui vient de le rendre maître des ouvrages de Rande, il prend maintenant à revers l’escadre française et les galions.

Sauver la flotte ne semble plus désormais possible. Ce n’est qu’en sacrifiant bien des existences que Château-Renault peut retarder de quelques instans l’heure fatale où elle tombera aux mains de l’ennemi. L’abandonner au contraire, c’est assurer le salut des équipages ; la brûler, c’est priver Rooke de l’objet de ses convoitises et atténuer son succès. Et pourtant ne risque-t-il pas, en agissant ainsi, de voir avec les débris de ses vaisseaux s’effondrer à jamais toute sa gloire passée, de voir aussi s’envoler