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dans la fumée de ce vaste incendie toutes les espérances de l’avenir ? Château-Renault cependant n’hésite pas. Renonçant aux avantages qui sans doute résulteraient pour lui d’une défense acharnée mais inutilement héroïque, il donne l’ordre d’embraser les bâtimens de son escadre ainsi que les galions espagnols.

Les capitaines, rassemblés pour la plupart autour de lui, partagent ce sentiment et chacun d’eux rejoint aussitôt son bord pour le faire évacuer. Malheureusement l’absence momentanée de bien des chaloupes, détachées au soutien de l’estacade, rend difficile et quelquefois tardif l’abandon des vaisseaux, dont un certain nombre ne put être brûlé. D’Aligre, resté lui cinquième sur l’Assuré, dont il a fait sauver l’équipage, mais où personne n’est revenu le chercher, est fait prisonnier. Beaucoup se noyèrent, parmi lesquels Fricambault qui, avant de quitter l’Oriflamme, voulut y mettre lui-même le feu. « L’effet en fut si prompt que le canot où il s’était embarqué en fut accablé et périt[1]. »

Cependant Château-Renault opérait sa retraite dans la direction de Pontevedra, petit port du royaume de Galice situé au Nord de la baie de Vigo, dont il n’est séparé que par une étroite bande de terre. Dès le lendemain du combat, l’amiral y ralliait la majeure partie de ses équipages et se portait à l’intérieur du pays, jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle. A la tête de ce régiment improvisé, il se mettait en mesure de protéger le sanctuaire vénéré de Saint-Jacques, dont les immenses richesses pouvaient exciter la convoitise du duc d’Ormond, et de lui barrer en même temps la route de Lugo, s’il se lançait à la poursuite des trésors débarqués des galions.

Mais les ennemis, contenus par Renau et trois cents cavaliers espagnols, ne s’avancèrent pas au-delà de Redondela, où d’ailleurs ils trouvèrent quantité de marchandises, avec quelque peu d’or et d’argent enfoui dans les ballots. Le 27 octobre, ils bombardèrent Vigo, dont, grâce aux savantes dispositions prises par Renau, ils ne parvinrent point à s’emparer.

Enfin, le 30 du même mois, Rooke levait l’ancre, laissant dans la baie, pour quelques jours encore, une simple escadre destinée à garder ses prises : 6 vaisseaux de guerre armés de 360 canons, et 11 navires de charge.

  1. Château-Renault à Blécourt, 28 octobre 1702. — Archives des Affaires Étrangères.