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limites, à les exproprier à prix d’argent d’une portion de leurs terres. C’est là une opération assez coûteuse et fort délicate, à cause du choix des terrains et de la fixation de l’emplacement des centres. Trop souvent, au lieu d’imiter les Arabes, qui s’établissent généralement sur les hauteurs où les sources sont pures et la situation saine, nous avons placé nos villages au fond des vallées, où l’eau est boueuse et le sol fiévreux[1]. C’est ainsi que parfois le voyageur rencontre les ruines d’un village entier, abandonné par ses habitans ; presque toujours ce sont celles d’un village de colonisation officielle. On comprend dès lors les craintes qu’a éprouvées la métropole à confier la gestion de crédits importans à des services qui en ont fait un pareil emploi. D’ailleurs, en cette matière comme en beaucoup, d’autres, la colonie se désintéressait trop souvent de tout, et laissait au budget général le soin de prévoir tous les moyens financiers ; tandis que les édifices publics étaient construits et tous les travaux de défrichement et d’assainissement effectués par le budget de la colonisation, les budgets des départemens et des communes qui, en définitive, devaient profiter de ces créations n’y contribuaient que rarement. Seul, il y a un certain nombre d’années, le Conseil général d’Oran avait voté l’établissement, sur tous les points où l’on créait des centres, de petites maisons d’habitation, aussi simples que possible, destinées à abriter à leur arrivée les familles de colons venant du dehors. Leur prix de revient très peu élevé était ensuite remboursé graduellement par les colons. Cette initiative excellente ne s’est point généralisée, et cependant on attirait ainsi le colon par la perspective de ne pas coucher à la belle étoile, lorsqu’il vient prendre possession de son lot de terre. En groupant mieux tous les efforts, la colonisation officielle, qui ne s’adresse qu’aux petits capitalistes disposant de quelques milliers de francs, peut encore, malgré la modicité de ses ressources, obtenir des résultats intéressans.

La colonisation libre, qui procurerait de très gros bénéfices aux capitalistes disposant de sommes importantes, ne peut guère aujourd’hui s’établir que sur les territoires où n’existe pas la

  1. Les emplacemens de centres ont été déterminés parfois par des considérations dans lesquelles l’intérêt de la colonisation n’avait rien à voir. Le fait ne se serait pas produit, s’il eût existé un programme régulier de colonisation ; dans la pratique, on n’a jamais payé les indigènes expropriés de leurs terres que très tardivement : le principe de la « juste et préalable indemnité » est trop oublié en Algérie.