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incapacité et le manque de livres nécessaires. » Néanmoins le morceau est intéressant. C’est un hymne enthousiaste en l’honneur de l’ancienne Pologne, idéalisée par un patriotisme exalté. Ce patriotisme emporte un peu loin le jeune poète. Ainsi il affirme, de bonne foi évidemment, que la Pologne n’eut point de guerres de religion, et il oublie que ce fut précisément le défaut de tolérance de ses ancêtres catholiques, leurs efforts pour dominer ou assimiler les orthodoxes, qui amenèrent de terribles réactions et provoquèrent en partie la catastrophe finale. Il caractérise de façon fort agréable les principaux littérateurs du XVIIIe et du XIXe siècle ; il rend un légitime hommage à Mickiewicz :


Plein de verve et de cet enthousiasme propre au printemps de la vie, il prend souvent un essor sublime, et, planant au-dessus de la terre, il force l’admiration et excite l’étonnement par son audace. C’est Icare volant près du soleil, mais ses ailes ne se fondront point ; au contraire, elles se déploieront d’autant plus qu’il s’élève. Nourri de Shakspeare et de Byron, il est loin de les imiter servilement. Il a su tracer une route où personne n’avait porté ses pas jusqu’à lui et il maintient dignement l’honneur d’avoir été le premier…


En écrivant ces lignes, Krasinski ne se doutait guère que Mickiewicz aurait un jour l’occasion d’invoquer son témoignage, alors que, candidat à la chaire de Lausanne, il devrait justifier de son talent et de sa notoriété. Il revenait encore sur Mickiewicz, dans la Bibliothèque d’octobre 1836, à propos d’une traduction de 'Konrad Wallenrod et des Sonnets de Crimée publiée récemment à Paris.

Dans une nouvelle inachevée, intitulée Adam le fou, qui fut écrite en polonais, mais dont il ne nous est resté que des fragmens traduits en français à l’intention de Reeve, le poète s’est mis encore lui-même en scène sous un pseudonyme transparent.


C’est donc mon destin, que je ne peux mourir pour ma patrie. Ils m’ont entouré comme une bête sauvage et partout, à ma sortie, je rencontre des filets tendus qui tremblent d’impatience pour me prendre… Vains regrets ! ils combattent ; moi, je ne fais qu’écouter le cliquetis de leurs armes. Ils tombent ; et je ne saurai pas même où on a élevé les tombeaux à mes frères.

O mes ancêtres qui voyez votre fils de la gloire du Seigneur, élevez vers Dieu vos mains durcies sur les casques des païens et des infidèles pour