l’honneur qui vous est accordé de commander à des hommes, à l’âge où tout le monde obéit. Si on n’aperçoit pas en vous quelque trace de cette investiture, si on ne voit pas briller autour de votre tête quelques-uns des rayons de la royauté, tout votre mérite ne vous tiendra pas lieu de ce qui vous manque et de ce que rien ne remplace, la maturité !
Soyez donc prince, mon cher colonel, prince par le cœur, prince par la bienfaisance, prince par une représentation sagement conçue et toujours noble ; rappelez-vous les Soirées de Vincennes ; enchérissez, s’il est possible, sur la distinction qui donnait alors tant de prix à votre hospitalité militaire. Ne soyez familier qu’avec les faibles et les malheureux, de cette familiarité que le cœur inspire et que l’esprit tempère. Mais tenez à distance respectueuse tous ceux que le grade rapproche de vous, tous ceux, surtout, qui n’auraient d’autre titre à franchir cette distance que la légèreté, l’inconséquence ou la servilité. J’abuse peut-être un peu, à mon tour, mon cher Prince, de la distance physique qui nous sépare en ce moment. Aussi, j’abrège pour que vous acheviez de me lire. Mes conseils ressemblent à un radotage, car je vous les ai donnés déjà sous toutes les formes ; mais ils emprunteront quelque valeur de la circonstance et du lieu où vous les lirez ; c’est ce qui m’a encouragé à vous en adresser cette nouvelle édition…
Vous lirez dans les journaux le discours prononcé par Victor Hugo pour sa réception à l’Académie, et la réponse de M. De Salvandy. Vous m’en direz votre avis, si vous avez le temps. Peut-être préjugez-vous facilement le mien. Aussi, pour ne pas déflorer vos impressions, je vous l’épargne. La présence du Prince royal et des princesses à cette solennité a été d’un effet excellent. C’est un précédent que vous n’oublierez pas, j’en suis bien sûr. Nous sommes une nation militaire et nous aimons à voir des princes mêlés, sur le champ de bataille, à nos soldats ; mais nous sommes aussi une nation littéraire, et il nous plaît de voir que les chefs du pays s’intéressent aux travaux et aux succès de nos gens de lettres. Nos armes ne sont pas une puissance plus redoutable et plus étendue que notre esprit. Cette double force est inséparable. Pourquoi donner tout à l’une et rien à l’autre ? Pourquoi laisser en dehors de son action et de son influence la portion la plus active et la plus influente de notre généreuse population ? Telles sont les questions que je me fais