Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore qu’elle prenne des mesures énergiques pour réprimer l’insurrection albanaise : elle ne fait d’ailleurs ni l’un ni l’autre, et la situation se prolonge telle quelle. Tout récemment, les ambassadeurs de Russie et d’Autriche ont déclaré collectivement à la Porte que ces lenteurs étaient inadmissibles ; mais la Porte sait ce que valent les démarches de ce genre, et, aussi longtemps qu’elle n’aperçoit pas derrière les ambassadeurs une force prête à appuyer leur langage, elle oppose à la vaine pression qu’on exerce sur elle une capacité d’inertie absolument inépuisable. Elle est toujours prête à faire les réformes, à condition de ne les faire jamais. Quant aux Albanais, elle négocie, elle parlemente avec eux ; elle en arrête même quelques-uns qu’elle assure être les chefs les plus redoutables de l’insurrection, ce qui n’empêche pas celle-ci de durer comme devant sans qu’on y aperçoive aucune décroissance. On n’y aperçoit pas non plus, à la vérité, d’aggravation : les choses restent en l’état. Il serait pourtant facile à la Porte, avec les troupes aujourd’hui considérables qu’elle a accumulées dans la Vieille-Serbie, de frapper un coup décisif ; mais elle n’a garde de le faire, pour les motifs que nous avons déjà indiqués, à savoir que le Sultan croit devoir ménager les Albanais parce qu’il en a peur. En attendant, la mission qu’il leur a envoyée pour leur donner de bons conseils et essayer ce que peut sur eux la persuasion, reste prisonnière entre leurs mains. De part et d’autre, on se refuse à en venir aux dernières extrémités ; on prend des gages et on attend. En Orient, le temps ne compte pas. En résumé, il faudrait faire des réformes pour contenter l’Europe, et on ne les fait pas pour ne pas mécontenter les Albanais : c’est un cercle vicieux dans lequel on peut tourner pendant des mois, et même des années, sans y trouver d’issue.

De tout cela, il devait presque inévitablement résulter une recrudescence redoutable de la révolution macédonienne, ou du moins de ce qu’on appelle ainsi. Y a-t-il vraiment une révolution macédonienne ? C’est douteux ; mais il y a en Macédoine des révolutionnaires venus du dehors, de Serbie et encore plus de Bulgarie, qui ont pris la tête du mouvement et en déterminent le caractère. Les dépêches d’Orient ne parlent presque jamais des Macédoniens proprement dits : ce sont toujours les Bulgares qui sont en cause, qui font tout, qui mènent tout. Ce sont eux, en particulier, qui ont commis, le 29 avril dernier, l’attentat de Salonique, dont le retentissement a été si grand dans le monde civilisé, et qui n’a certainement pas servi la cause au profit de laquelle il a été perpétré. Les révolutionnaires ont une vieille