fût de son objet de les examiner. La seule question a été, pour lui, de savoir quelles raisons positives un Européen de culture moyenne, un jaune de l’Annam, un noir du Soudan, s’ils veulent apprendre une autre langue que la leur, auront, dans leur intérêt même, d’en choisir une plutôt qu’une autre. Et, s’il estime qu’en général cette langue sera le français, son dessein n’a été que de préciser les motifs de ce choix en les rapportant aux qualités du français. Nous l’avons dit, et nous le répétons : c’est ici le côté neuf de cette apologie de la langue française. Et c’est aussi pourquoi, dans les quelques points où elle se rencontre avec les autres, elle les confirme, mais, en ce qu’elle contient de différent et d’original, elle les complète. Les grammairiens et les « stylistes » eux-mêmes liront l’apologie de M. J. Novicow avec d’autant plus d’intérêt, et en feront d’autant plus de profit que l’on n’a jamais songé moins à eux que M. J. Novicow. Il est bon que, de temps en temps, les profanes se hasardent ainsi sur le terrain des spécialistes ou des professionnels, et on a observé qu’en général ces excursions ne laissaient pas d’être utiles au progrès de leurs « spécialités. »
Nous ne pouvons encore qu’approuver M. J. Novicow quand il exprime éloquemment le vœu que le « français, — pour toutes les raisons qu’il en a données, — devienne « la langue officielle du groupe de civilisation européen. » Nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire pour cela de réformer ou de bouleverser notre orthographe, ni, comme il nous le conseille encore, d’écrire « en vue de nos lecteurs étrangers. » Notre langue y perdrait en saveur originale ce qu’elle, y gagnerait peut-être en clarté superficielle. Une langue n’est pas une algèbre. Et, de même que les sciences, en dépit de Condillac, sont quelque chose de plus que « des langues bien faites, » les langues, elles aussi, sont quelque chose de plus que la science de parler le plus brièvement et le plus clairement possible. Les langues littéraires ont à faire œuvre d’art. Le meilleur livre français sera toujours le plus français, et non le plus cosmopolite. Mais, si M. Novicow veut dire que l’aptitude générale de la langue française, s’étant déterminée dans le sens de ses qualités les plus propres à la propagande, et que ces qualités ayant fait la fortune de notre littérature, nous serions de grands maladroits, et même des coupables, de travailler à les détruire sous prétexte « d’écriture artiste » ou de « nationalisme intransigeant, » il a raison, et dans cette mesure