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Déjà, dans des discussions antérieures l’Académie avait eu l’occasion de condamner l’abus des spiritueux qui est un des fléaux de notre temps. Elle en avait signalé les conséquences au point de vue des plus grands intérêts qui s’imposent à la vigilance du médecin : ceux de la santé publique et de la vigueur de la race. Elle était appelée maintenant à donner une sanction à ses avis maintes fois répétés. La discussion qui s’est engagée à ce propos nous fournit une occasion naturelle de présenter à nos lecteurs, dans une sorte de résumé récapitulatif, l’état de la question.


I

Disons d’abord que l’Académie de médecine n’a pas répondu à l’invitation expresse du gouvernement. Elle a renoncé à présenter les deux listes, qu’on lui demandait, d’essences susceptibles, les unes d’une prohibition absolue, les autres d’une simple réglementation, suivant leur degré de toxicité. Elle a refusé d’établir une échelle des culpabilités, de condamner quelques-unes des substances qui servent à aromatiser les boissons alcooliques et d’innocenter les autres. Elle a préféré les condamner toutes en bloc et condamner avec elles leur support commun, qui est l’alcool. Au nom d’une médecine puritaine et d’une hygiène rigoureuse, elle a déclaré que tous ces breuvages étaient uniformément détestables et que le meilleur n’en valait rien. Après trois mois de réflexions, d’examen, de discussions approfondies et de débats parfois orageux, la savante compagnie a adopté le 23 mars dernier et transmis au gouvernement les conclusions et le vœu suivans :

« L’Académie déclare que toutes les essences, naturelles ou artificielles, ainsi que les substances extraites, incorporées à l’alcool ou au vin, constituent des boissons dangereuses et nuisibles. Elle déclare que le danger de ces boissons, résultant à la fois des essences et de l’alcool qu’elles renferment, elles mériteraient toutes, quelle que soit leur base, d’être proscrites ; et que, tout au moins, il y a lieu de les surtaxer d’une façon telle que cette surtaxe devienne prohibitive. L’Académie signale, en particulier, le danger des apéritifs, c’est-à-dire des boissons à essences et alcool ingérées à jeun. Le fait que ces boissons sont prises avant les repas rend, en effet, leur absorption plus rapide