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serait organiser la dualité du commandement, et par suite l’indécision, le trouble dans la direction des opérations. Pour nous, l’état-major ne peut-être que l’instrument du commandement ; mais il est son aide le plus essentiel, le plus précieux : il doit être perfectionné sans relâche.

Ce n’est pas là la seule conséquence de notre régime politique. Les démocraties sont inquiètes ; elles ont des tendances à suspecter les hommes que leurs talens et les circonstances mettent en relief ; non pas parce qu’elles ne reconnaissent pas leurs qualités et leurs services, mais parce qu’elles craignent pour la République. On ne vote plus avec des coquilles ; mais le vieil ostracisme d’Athènes existe toujours, quoique à l’état latent. Il faut en tenir compte quand on s’occupe de l’organisation du haut commandement dans une République.

Le problème du haut commandement est donc particulièrement délicat chez nous. Pour le résoudre, il faut coordonner les conditions difficiles, parfois contradictoires, inhérentes à la fois au rôle de tout gouvernement pendant la guerre, à l’action du haut commandement, au fonctionnement des états-majors. Ces difficultés, toutes grandes qu’elles soient, ont déjà été vaincues sous notre première République, mais après une période de tâtonnemens et de fautes, qui a duré jusqu’à la fin de la Terreur, en 1794, et qu’il importe de rappeler afin d’éviter de tomber dans les mêmes erreurs.

Vers le milieu de 1793, la situation de la France était navrante. Sur toutes nos frontières, nos armées étaient refoulées. Dumouriez venait de passer à l’ennemi. À l’intérieur, l’insurrection éclatait de toutes parts, en Vendée, à Lyon, à Marseille. La Convention se raidit contre le péril ; elle renouvelle le Comité de salut public et y fait entrer les représentans du peuple les plus renommés par leur ardeur politique, par leur énergie, par leurs talens. Carnot est spécialement chargé des choses de la guerre avec Prieur de la Côte-d’Or et Robert Lindet, Le gouvernement est déclaré révolutionnaire jusqu’à la paix. Le conseil exécutif composé des ministres, les généraux, les corps constitués sont placés sous la surveillance du Comité de salut public, qui domine ainsi, pendant l’année de la Terreur, la France entière, disposant sans contrôle des personnes, des existences, des fortunes, des armées, des généraux…

Les instrumens qui permettent au Comité de salut public