économique et politique, et se préparent sans cesse à ces luttes plus courtes, mais plus décisives, que l’on appelle des guerres. La Méditerranée, avec ses ramifications profondes, ses caps et ses îles, ses larges bassins séparés par des étranglemens, présente plusieurs de ces clés stratégiques dont toutes les grandes nations maritimes se sont, tour à tour, emparées. Les temps s’écoulent, les dominations succèdent aux dominations et les peuples à d’autres peuples, mais les positions géographiques restent ; elles jalonnent, sur les eaux, les mêmes routes nautiques et, sur les côtes, elles désignent, pour devenir des ports ou des forteresses, les mêmes emplacemens. Les Phéniciens, les Carthaginois, ont jadis occupé Malte et Chypre, Minorque et Gibraltar, comme l’ont fait, dans les temps modernes, les Anglais. N’ayant pas, sur la route de Suez à l’Atlantique, le siège principal de sa puissance, la Grande-Bretagne a dû s’assurer, dans la Méditerranée, des points fortifiés pour marquer les étapes de ses escadres et leur permettre de se réparer et de se ravitailler en toute sécurité. Dans l’organisation actuelle de la puissance britannique, Gibraltar et Malte remplissent cette fonction.
Comment les Anglais ont établi et maintiennent leur autorité sur ce rocher et sur ce petit archipel, comment ils s’y accordent avec les indigènes, quelle place tiennent ces deux minuscules possessions dans la vie générale de l’Empire, c’est ce dont nous avons cherché à nous rendre compte.
Pour comprendre toute l’importance et toute la force de la position de Gibraltar, pour saisir d’un coup d’œil les élémens de la « question du Détroit, » point n’est besoin de lire de gros livres ou d’invoquer les traités : il suffit de passer une heure au pied du phare qui s’élève à la « pointe d’Europe, » à l’extrémité sud du rocher. De tous les côtés de l’horizon, des fumées surgissent, de grands vapeurs convergent vers les passes qui séparent l’Afrique et l’Europe ; ceux qui viennent de l’est, des ports de la Méditerranée, des Indes ou de la Chine, d’Australie ou du lointain Pacifique, se croisent là avec ceux qui arrivent d’Angleterre ou des États-Unis, de France ou d’Allemagne, de l’Amérique du Sud ou de l’Afrique occidentale. Tous, près de deux cents par jour en moyenne, défilent entre les deux colonnes