d’Hercule et passent en vue de Gibraltar. A vingt et un kilomètres, Ceuta, ville espagnole sur la côte marocaine, avec sa montagne ronde et la langue de terre où se dissimulent ses maisons et ses casernes, fait vis-à-vis à Gibraltar, ville anglaise sur la rive espagnole ; plus à l’ouest, le Djebel-Mousa ou Mont-aux-Singes, le front perdu dans les nuages, profile sa haute silhouette, tandis qu’en face, la pointe de Tarifa montre, au ras des flots, la tour blanche de son phare. Plus loin encore, tandis que la côte d’Espagne oblique vers le nord, le cap Malabata cache l’entrée de la baie de Tanger. Par les belles nuits, le spectacle est plus saisissant encore : de tous côtés scintillent des lumières qui décèlent le glissement silencieux des grands vapeurs ; le feu rouge de Tarifa et le feu blanc de Gibraltar guident leur marche dans les ténèbres. Au loin, le phare du cap Spartel annonce à ceux qui arrivent de l’Atlantique sud, fatigués d’une longue traversée, qu’ils sont aux portes de la Méditerranée.
Le rocher de Gibraltar est donc un observatoire sur une grande route ; accroupi, comme un lion dont il a, de loin, l’aspect, il semble guetter au passage les bateaux qui entrent et qui sortent. Le long de son flanc occidental, la baie d’Algésiras, vaste et profonde, offre un bon mouillage, et, du côté de l’Espagne, la montagne n’est rattachée au continent que par une étroite langue de sable qu’elle domine du haut de ses 425 mètres. Une pareille position devait tenter tous les peuples navigateurs ; les Phéniciens, qui, dans toute la Méditerranée, ont laissé la trace de. leurs courses audacieuses, se sont établis, les premiers, au pied du mont Calpe, en même temps qu’ils créaient un refuge et une sorte d’entrepôt dans ce petit îlot de Peregil, où la sagacité du dernier commentateur de l’Odyssée a retrouvé la grotte de Calypso[1]. Le conquérant berbère Târik, dès qu’il eut pris pied sur le sol européen, construisit un château sur la montagne à laquelle son nom est resté attaché ; Guzman, duc de Medina-Sidonia, s’en empara en 1462 pour le compte des rois catholiques, et Charles-Quint y éleva une puissante forteresse, qui passait pour un des boulevards les plus solides de la monarchie. Lors de la guerre de la succession d’Espagne, les Anglais soutinrent l’archiduc Charles d’Autriche contre Philippe V, et, un jour de l’année 1704, l’amiral Rooke surprit Gibraltar et l’enleva. Les
- ↑ Voyez la Revue du 15 mai 1902.