narguer les pompes officielles et proclamer, pour les plus puissans rois de la terre, l’indifférence dédaigneuse des indigènes. Tant que ses traditions et ses coutumes sont respectées, le Maltais manifeste volontiers, avec une exubérance très méridionale, nous sommes tentés de dire très « méditerranéenne, » sa ferveur loyaliste. La délivrance de Ladysmith provoqua deux jours d’une joie délirante ; la voiture du gouverneur fut dételée au milieu des acclamations et des cris d’enthousiasme ; lors de la mort de la reine Victoria, le peuple donna des marques d’une affliction qui paraissait sincère ; mais, bientôt, des incidens survinrent qui prouvèrent la mobilité des sentimens des Maltais et leur attachement à tout ce qu’ils considèrent comme leurs droits et leurs libertés.
Ce fut le voyage de M. Joseph Chamberlain à Malte qui jeta les premiers fermens de mésintelligence et ouvrit le conflit. Dans un discours, le ministre des Colonies parla des sacrifices que certaines possessions impériales étaient obligées de faire aux intérêts généraux de la défense de l’Empire et il annonça que des mesures allaient être prises pour hâter l’anglicisation de l’île et pour imposer la langue de la métropole, comme langue officielle, à l’égal du maltais et à l’exclusion de l’italien. Il faut savoir, en effet, que, si le maltais est la langue courante de l’archipel, l’italien était, jusqu’à présent, la langue littéraire, celle des tribunaux et du Conseil législatif : il s’agissait donc, moins d’interdire aux Maltais leur dialecte national, que d’arrêter les progrès de l’italianisme. Il fut décidé que la justice pourrait être rendue en anglais quand un sujet anglais serait en cause et que, après un délai de quinze ans, à courir du 22 mars 1899, l’anglais serait la seule langue admise dans les tribunaux. L’anglais, l’italien et le maltais étaient, jusque-là, enseignés simultanément à tous les enfans dans les écoles primaires ; il en résultait que les élèves qui sortaient de l’école ne savaient bien ni l’anglais, ni l’italien, et que, s’ils avaient ensuite de multiples occasions de parler l’italien et de s’y perfectionner, ils restaient ignorans de l’anglais. Il fut donc arrêté que, désormais, les enfans, pendant les deux premières années scolaires, n’apprendraient que le maltais, et qu’ensuite leurs parens décideraient laquelle des deux autres langues, anglais ou italien, ils voudraient leur faire étudier. C’était, en fait, supprimer l’enseignement obligatoire de l’italien, et l’on espérait que, entre la langue de la métropole et celle de