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Ces liens nombreux d’intérêts et d’affection qui unissent les Maltais aux pays qui les avoisinent, cette sympathie que procure à la France la comparaison du régime qu’elle applique en Tunisie avec celui que l’Angleterre cherche à inaugurer à Malte, nous font mieux comprendre le sens et l’importance des troubles que les allures autoritaires de M. Chamberlain ont provoqués dans l’archipel. La question des langues est essentielle pour une population commerçante et cosmopolite ; et la résistance des Maltais restés dans l’île est encouragée et soutenue, — comme il arrive pour l’Irlande, — par leurs compatriotes établis dans les pays voisins. Il ne faut d’ailleurs rien exagérer : si les derniers incidens ont ébranlé le loyalisme des Maltais, s’ils les ont incités à chercher autour d’eux, dans cette Méditerranée qui est leur vraie patrie, d’où pourrait venir, le cas échéant, un secours libérateur, ils n’ont pas sérieusement menacé la domination de la Grande-Bretagne, ni compromis sa puissance dans la Méditerranée. L’inimitié des Maltais n’est pas un péril, mais elle est un symptôme : l’Angleterre n’est pas aimée dans la Méditerranée, mais elle n’a rien à y redouter, tant qu’elle y possédera la force.


V

Depuis Soliman, Malte a la réputation d’une place imprenable : Bonaparte ne l’a pas prise, on l’y a laissé entrer, et Vaubois ne l’a rendue que sous la pression de la famine. Pourrait-elle aujourd’hui être enlevée de vive force ? La question est de celles que l’expérience seule peut résoudre. Ce qui est sûr, c’est qu’elle est formidablement armée, prête à la guerre, et que l’Amirauté britannique ne cesse d’en augmenter les défenses. Tout le système, si pittoresque, des fortifications anciennes n’a plus, avec l’artillerie et les explosifs modernes, qu’une valeur militaire restreinte ; mais toute l’île n’est aujourd’hui qu’un vaste camp retranché, hérissé de batteries modernes qui, de tous les côtés, ont des vues sur la mer. En plusieurs endroits, les Anglais ont utilisé la solidité et l’épaisseur des vieux remparts pour les transformer en forts nouveaux et les compléter par des réduits blindés et des tourelles cuirassées. A l’extrémité de la langue de terre où s’élève La Valette, le fort Saint-Elme commande de ses canons et éclaire de ses feux l’entrée du grand port et du port de la Quarantaine (Marsamuschetto) ; le fort Ricasoli, du côté de