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Vittoriosa, le fort Tigne, du côté de Sliena, lui font vis-à-vis et achèvent de fermer les issues des deux bassins. Dans toute l’île, il n’est pas une plage, où pourrait s’opérer un débarquement, qui ne soit défendue par des batteries, pas un secteur de mer qui ne soit battu par de grosses pièces, éclairé par des projecteurs électriques. Ce luxe de fortifications ne suffit pas encore à rassurer l’Amirauté : c’est que la côte tunisienne n’est qu’à 300 kilomètres de Malte et que, là-bas, Bizerte grandit et abrite toute une troupe de torpilleurs. Il suffit de se promener sur les remparts de La Valette pour constater que la flottille de Bizerte inquiète la marine britannique ; plusieurs batteries de pièces de 57 millimètres à tir rapide ont été disposées, sur les remparts mêmes, de manière à commander les deux goulets et à couler le torpilleur assez hardi pour tenter de les franchir et assez heureux pour échapper à l’explosion des torpilles dormantes. Entre le fort Ricasoli et le fort Saint-Elme une chaîne peut se tendre pour clore hermétiquement le grand port. Tant de précautions n’ont pas paru suffisantes : la loi relative aux constructions navales, votée à la fin de l’année 1901, prévoit la construction d’une digue, en avant de l’entrée du grand port, et, au pied des deux forts Saint-Elme et Ricasoli, de deux môles destinés à resserrer encore le passage ; les travaux de ces nouvelles jetées sont déjà très avancés ; édifiées par de grands fonds, elles coûteront très cher, mais elles protégeront le port de Malte contre les lames du large, elles le fermeront aux torpilleurs et aux « submersibles. » L’Angleterre ne compte par les millions quand il s’agit de sa puissance navale !

La Valette est une ville militaire : la garnison normale de l’île est de plus de 10 000 hommes ; elle est de force, non seulement à repousser une tentative de débarquement, mais à fournir les élémens d’un corps expéditionnaire prêt à agir rapidement sur un point quelconque de la Méditerranée. D’immenses baraquemens, construits dans l’intérieur de l’île, peuvent abriter des renforts plus nombreux encore. Malte est un point de concentration et une base d’opérations. A La Valette, le soir surtout, le soldat est le maître de la ville : fantassins de rouge habillés, cavaliers en kaki, la badine à la main, et, de travers sur la tête, l’invraisemblable petite calotte à jugulaire, tous frais et bien nourris, gais et bruyans, mais l’air un peu lourd et gauche, coudoient, dans les bars et sur les trottoirs, les marins, plus