temps de guerre, ce ravitaillement par mer deviendrait difficile, peut-être impossible. Le gouvernement anglais y supplée en accumulant à grands frais, dans de gigantesques silos, des quantités prodigieuses de vivres, de provisions de toute nature ; d’énormes trappes à la surface du sol décèlent seules, en certains points de la ville, l’existence de ces vastes magasins souterrains. Le stock de charbon est entassé au fond des deux ports, dans de très grands dépôts ; une partie, chargée d’avance sur des chalands, est prête à venir se ranger le long des bâtimens ; l’on installe actuellement des appareils nouveaux pour arriver à remplir très vite les soutes de toute une escadre. Lord Charles Beresford, membre de la Chambre des communes, bien qu’amiral en activité de service, a dénoncé, l’année dernière, comme la preuve d’une grave négligence, que, si la guerre avait éclaté en 1899, on n’aurait trouvé à Malte que 40 000 tonnes de houille et 13 000 à Gibraltar ! On peut juger, d’après ces chiffres, de l’importance du stock que l’Amirauté est obligée d’entretenir à Malte ; mais ses dépenses sont notablement amoindries par le fait que La Valette est un port de commerce très fréquenté et que la vente du charbon aux vapeurs qui passent renouvelle tout naturellement la provision de combustible frais et permettrait, en cas de conflit, de se procurer, par voie de réquisition, un supplément de plusieurs milliers de tonnes.
Mais, malgré le soin très onéreux qu’ont les Anglais de tenir au complet de guerre leurs provisions de charbon et de vivres, c’est ici qu’apparaît l’incurable faiblesse de Malte, comme celle de Gibraltar. Quelques précautions que l’on prenne, elles sont, l’une et l’autre, toujours menacées, en cas d’hostilités prolongées ou de blocus, de périr d’inanition ; elles ne trouveraient, derrière leurs canons et leurs escadres, ni le patriotisme d’une population anglaise, ni les multiples ressources d’un grand pays. Intruse dans la Méditerranée, d’où sa race n’est pas indigène, et où elle ne se maintient que par le droit de la conquête et de la force, la Grande-Bretagne est acculée à la double nécessité d’y être toujours la maîtresse de la mer et de pouvoir compter toujours, au moins, sur la neutralité bienveillante de l’une des grandes puissances méditerranéennes, qui permette à ses flottes de se réfugier, de se ravitailler, de se réparer dans ses ports, et qui se charge de l’approvisionnement du rocher de Gibraltar et de l’archipel maltais. Ainsi, pour les Anglais, dans la