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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/895

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Et qu’aucun clocher dans le monde
Ne soit si haut, ne soit si fort,
Ni si fêlé de lourdes ondes
Que ce cœur meurtri d’échos d’or…

 — Ah ! aimer tout ce qui tourmente !
L’été avec ses lis ouverts,
Et la fraîche odeur astringente
Qui monte, au matin, des prés verts.

Aimer les trompettes, les flûtes,
Être prêt à s’évanouir
Quand le son qui se répercute
Bosselle l’âme de plaisir.

— Ma vie, ô vie ample et facile,
Me pardonnerez-vous cela :
Je ne veux pas être tranquille,
Je vous mènerai, ô cœur las,

Dans toutes les grottes de larmes,
Dans des endroits chauds et glacés,
Et sur des routes de vacarme
Où vos deux pieds seront percés,

Je vous mènerai, chère vie,
Dans de si torrides étés
Que vous crierez, inassouvie,
Et les genoux épouvantés ;

Ma belle vie échevelée,
Si sensible et fine de peau,
Vous serez roulée et foulée,
Vous serez en plaie et lambeaux ;

Mais je vous dirai : ô mon être,
Portez mieux ce destin fatal ;
Peut-être il nous reste à connaître
Quelque amour qui fera plus mal…