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suivre sa route vers Figuig, l’assurant qu’il n’y avait à cela aucun danger. L’amel est le représentant du Sultan, et il ne le représente que trop bien dans son impuissance. Il ne peut se soutenir à Figuig qu’avec notre assistance, et c’est sans doute pour ce motif qu’il a voulu nous engager à fond avec lui. Singulière situation, il faut l’avouer, que celle de cette ville marocaine où le représentant du Sultan est considéré comme un intrus, et en est réduit, pour assurer sa propre sécurité, à solliciter l’appui de l’étranger. En somme, Figuig et les oasis qui l’entourent sont des repaires de bandits, qui exercent leur profession dangereuse, — dangereuse pour eux comme pour les autres, — sans se soumettre à aucune autorité. Mais tout cela était connu. L’incident de Zenaga était inévitable : la présence de M. le gouverneur général lui a donné une importance exceptionnelle. Il nous était impossible, d’en rester là. Les gens de Figuig et de Zenaga ayant cru qu’ils avaient remporté un avantage signalé, il fallait leur montrer qu’ils s’étaient grossièrement trompés, et que nous avions des canons qui portaient encore plus loin que leurs fusils. Le maintien de notre prestige nous on faisait un devoir impérieux. On a souvent abusé de ce mot de prestige ; on s’en est servi pour justifier, sous prétexte de représailles indispensables, toutes sortes d’aventures. Il correspond cependant à une réalité, à une force que nous ne devons pas laisser entamer, surtout sur notre frontière algérienne. L’agression de Zenaga appelait une répression immédiate et énergique. Nous aurions même désiré qu’elle se produisît plus vite ; mais il a fallu quelques jours pour la préparer.

Nous avons donc bombardé Zenaga, et même plusieurs des ksour environnans. L’action militaire a été ce qu’elle devait être, c’est-à-dire foudroyante : terrible leçon pour des gens qui n’avaient pas encore éprouvé la puissance explosive de nos obus. Quant au dénouement, il ne peut être que la soumission absolue des djemaa de Figuig. Le général O’Connor a tenu le langage qui convenait aux circonstances : il s’est déclaré résolu à faire tout ce qu’il faudrait pour assurer définitivement la sécurité de la frontière. Il ne semble pas que l’occupation de Figuig soit indispensable pour atteindre ce but. Elle ne serait pas sans inconvéniens au point de vue politique, et, au point de vue pratique, il ne nous servirait pas à grand’chose d’avoir reporté notre frontière un peu plus loin vers l’Ouest. Nous aurions reculé la difficulté sans la résoudre, d’autant plus que, si nous devons un jour faire pénétrer notre influence au Maroc, ce n’est pas par ce côté que nous aurons à opérer. Mais il ne s’agit de rien de tel en ce moment. Nous