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leurs sentimens d’amour-propre et de patriotisme, avaient insufflé dans le cœur de tous cette foi aveugle dans le succès et cet esprit de sacrifice qui tiennent à la fois d’une sorte d’hypnotisme, et de l’exaltation mystique qui produit les héros et les martyrs !

Les Sikhs, certes, étaient loin, de l’aveu même de leurs chefs, de pouvoir faire montre de pareilles qualités. De plus, un de leurs détachemens fut, le lendemain même de son arrivée à Tien-Tsin, exposé au baptême du feu dans des conditions telles que, seuls, des hommes admirablement trempés ou exaltés par l’esprit de sacrifice, soumis à une pareille épreuve, eussent pu faire meilleure contenance. On en jugera par cet exposé succinct de l’incident lui-même, que différens récits, dans la suite, ont quelque peu dénaturé. Les alliés, au nombre de trois cents environ, — Français, Japonais, Anglais, — occupaient d’une manière permanente, pendant le siège de Tien-Tsin, les retranchemens qui assuraient la garde de la gare du chemin de fer. C’était, sans contredit, le poste le plus périlleux de la ville, le plus souvent attaqué, de jour et de nuit, par les Réguliers et par les Boxeurs. Dans la journée du 11 juillet 1900, le détachement de Sikhs dont il s’agit, au nombre d’une centaine, représentait à ce poste le contingent anglais. Le détachement français était sous les ordres du capitaine Genty, de l’infanterie coloniale. La petite troupe internationale venait de repousser, à la suite d’une lutte très vive, un gros parti d’ennemis qui s’était avancé résolument jusqu’à moins de deux cents mètres de ces retranchemens. Le dessein des Chinois était-il de s’emparer de vive force de ce point, dont l’occupation en vue de la protection de la concession française était de la plus grande importance ? ou bien, par la menace d’une attaque rapprochée, d’obliger les défenseurs à sortir des tranchées et à se montrer, de manière à permettre à une pièce d’artillerie chinoise de campagne, postée à une distance et dans une position convenables, sur la rive droite du Peï-Ho, d’intervenir efficacement à ce moment ? Quoi qu’il en soit, après une légère accalmie, le combat reprend et, bientôt, redouble d’acharnement : de véritables rafales de balles et d’éclats d’obus sillonnent tout le terrain des attaques, prenant d’enfilade une partie des défenseurs, qui subissent, de ce fait, de très fortes pertes. Les Français comptent, en effet, déjà 12 tués et 34 blessés, sur leur petit effectif ; les Japonais ont plus de la moitié de leur contingent hors de combat, et les Sikhs, 22 hommes. Cette