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roulette ni le trente et quarante, mais le « bacouan, » un jeu qui, pour être chinois, ne vaut pas mieux que ses confrères d’Europe. Les Fils du Ciel, en cela aussi bêtes que nous, y perdent parfois des sommes considérables. Ce jeu est en soi très simple. On jette sur une table une poignée de sapèques. Puis le croupier, avec un petit bâton, les retire en les comptant par quatre. A la fin il en reste forcément un nombre égal ou inférieur à quatre. Ce nombre indique le numéro gagnant. Et on joue les « pairs ou impairs, » les « transversales, » les « verticales, » les « horizontales, » les « numéros couplés, » en un mot, tous les systèmes que nous croyons sans doute avoir inventés.

Le soir nous voulons retourner à bord. Mais le vent s’est levé. La mer déferle et brise avec force. Le pont de la chaloupe est incessamment balayé par les lames et l’on est forcé de tout fermer de peur que les feux ne s’éteignent. Nous parvenons bien auprès du yacht qui se balance lentement sur ses ancres, mais nous ne pouvons accoster. Force nous est de retourner à Macao où nous arrivons tout trempés à dix heures du soir, sans quoi que ce soit pour nous changer. A l’hôtel américain on consent à nous donner des chambres, mais on refuse, à cette heure indue, de nous préparer à dîner. Nous sommes obligés, caravane mélancolique, de chercher pâture par la ville. Après avoir erré longtemps, dans les rues boueuses, sous la pluie fine qui tombe, nous finissons par nous échouer dans un restaurant chinois. Et nous y mangeons d’affreuses choses avec un féroce appétit. Le pain seul était bon. Hélas ! il y en avait très peu !

Le lendemain, au petit jour, l’état de la mer n’ayant pas changé, nous repartons pour Hong-Kong par le paquebot de service. En passant près du yacht nous lui signalons de nous suivre et jetons un regard attristé à ces bonnes cabines que nous ne pouvons atteindre, où il y a de l’eau fraîche et du linge sec.


FOU-TCHÉOU

En mer, très loin encore, près de petites îles rabougries qui arrêtent un peu la violence de la mousson, on embarque un pilote chinois. Il est petit et gros, avec une moustache rare, hérissée et grise, un teint de vieux parchemin ridé comme un missel du XVe siècle. Il doit avoir sur lui un tas de vêtemens qui