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préfets, d’un grand nombre d’individus soupçonnés de fâcheux desseins, souleva une discussion[1] : nul ne put établir le nombre d’arrestations faites sans que les tribunaux aient été saisis, mais le ministère avoua que ces mesures de précaution avaient été prises en vertu de l’article 10. Quel est le magistrat qui aurait refusé d’ordonner les arrestations si elles étaient justifiées par des craintes légitimes, si elles reposaient sur des motifs avouables ? L’application de l’article 10, au point de vue politique, est donc injustifiable ; mais, avant de le condamner, il faut entendre ses plus sérieux partisans.

C’est à la Préfecture de police, dans les bureaux du quai des Orfèvres, que sont les derniers défenseurs de l’article 10.

Voici comment ils raisonnent :

« La magistrature, disent-ils, est lente et solennelle. Le caractère de la police est d’être rapide et alerte. Dans une agglomération de trois millions d’âmes, où 30 ou 40 000 coquins, repris de justice, vagabonds et souteneurs préparent les pires expéditions, il faut que la police se livre à une surveillance incessante, à une sorte de chasse perpétuelle ; l’arrestation doit être soudaine : il faut que tout agent ait pouvoir d’agir, de pénétrer dans les domiciles, de perquisitionner et d’arrêter. Supprimer l’article 10, l’obliger à recourir au juge, c’est le désarmer, c’est supprimer la Préfecture de police. »

Certes, la menace est grave et, si elle était juste, elle nous ferait reculer. Il y a peu d’institutions plus nécessaires que la Préfecture de police : il en est peu qui aient rendu de tels services. Il n’est pas inutile de remarquer qu’elle a eu le privilège d’être attaquée par tous les hommes de désordre et d’être défendue par tous ceux qui avaient quelque souci de l’ordre public. Il est bon qu’il y ait, dans une grande ville comme Paris, une institution qui n’ait d’autre objet que le maintien de la paix publique, qui soit armée de toutes les attributions que possède le pouvoir exécutif pour assurer la protection des personnes et des propriétés par la stricte exécution des lois. La faiblesse des hommes laisse décliner et se corrompre assez de forces pour que nous n’ayons pas l’imprudence d’affaiblir celle

    sion. Dans le projet spécial en douze articles, rapporté par M. Cornudet le 12 juin 1901, figure l’abolition de l’article 10.

  1. M. Mirman propose l’abolition de l’article 10. Chambre des députés : séance du 4 novembre 1901.