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qui, en face des colères qui l’assaillent et de l’anarchie qui la menace, conserve à un si haut degré le sentiment de sa responsabilité.

Mais sortons des généralités : observons les faits. Chaque jour, les commissaires de police opèrent environ 150 arrestations : il s’agit de flagrans délits. Or, le droit des officiers de police judiciaire est absolu. Ils agissent dans la limite de leur compétence.

Quel est donc, dans la pratique, en dehors de la politique, l’usage qui est fait à Paris de l’article 10 ? Il ne s’applique pas aux arrestations quotidiennes ; il ne facilite pas, comme autrefois, la prolongation de détention au dépôt de la Préfecture, sans envoi au juge ; les représentans les plus autorisés de la Préfecture déclarent, d’accord avec les magistrats, que toute arrestation est suivie de l’envoi immédiat du détenu au parquet[1].

Mais, s’il s’agit d’une bande, d’actes difficiles à constater, de crime de fausse monnaie, par exemple, les commissaires ont pris l’habitude de poursuivre leurs investigations et de solliciter de leur chef à la fois ses ordres et le mandat final. L’article 10 permettant tout, les bureaux ont trouvé plus simple de manier eux-mêmes cette clef qui ouvrait toutes les portes. Que la réforme soit faite et, au fond, rien d’essentiel ne changera ; l’ordre public continuera à être protégé. Les commissaires de police multiplieront les enquêtes et le service judiciaire sera organisé de façon à délivrer à toute heure les mandats que peut seul lancer un juge.

Quand un crime émeut l’opinion publique, que la police part de tous côtés à la recherche du coupable, qui a jamais soutenu qu’elle ne fût pas libre de son action, parce qu’en droit, un juge saisi de l’instruction en tenait les fils ?

Si l’on y regarde de près, toute cette querelle est sans fondement. Le véritable objet du pouvoir préfectoral, c’est l’action politique. Ce dessein désavoué, il ne reste qu’une organisation de service qu’il est facile de combiner pour la meilleure utilisation des forces[2].

  1. Voyez la discussion qui a eu lieu à la Société générale des Prisons. M. Puibaraud a dit : « Aujourd’hui, il n’y a pas un seul emploi de l’article 10, en matière de droit commun, qui ne soit suivi immédiatement de la tradition au parquet. » Les magistrats présens n’ont pas contesté le fait (Bulletin 1901, p. 228).
  2. Voyez, dans la même discussion, les observations de M. Ribot, qui ont jeté la lumière sur la question. (Bulletin 1901, p. 458.)