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vinces, ont répondu à ces conseils. S’il n’avait pas le droit, le pouvoir a voulu montrer qu’il avait la force. Nous ne reviendrions pas sur ces douleurs d’hier, si elles ne devaient nous enseigner ce qui nous attend demain. Contre de tels retours de fantaisies officielles, il faut que les libéraux de toutes nuances réclament unanimement des garanties, non pas des recours solennels et lents, mais une justice rapide et éclatante comme la vérité.

Comment ne pas parler ici des visites domiciliaires qui suivent le plus souvent la mise en arrestation ? La demeure est si intimement unie à l’individu, qu’il n’est pas exagéré de dire que l’inviolabilité du domicile fait partie de la liberté individuelle. Les perquisitions tendent à devenir, depuis quelques années, un des abus les plus graves. Qu’un inculpé soit extrait de sa prison, conduit sous escorte à son domicile, et qu’en sa présence un juge ou un commissaire de police, spécialement délégué, procède à l’ouverture de ses meubles et à la rédaction de procès-verbaux, rien de plus régulier et cette procédure indispensable doit être maintenue dans nos lois. Mais il n’est pas tolérable, il est contraire à toute justice, qu’un officier de police judiciaire invoque je ne sais quel prétexte, se prétende un jour délégué du pouvoir administratif, le lendemain chargé de constater une contravention fiscale relative au monopole des allumettes, pour faire ouvrir par un serrurier la chambre d’un tiers, absent et non inculpé. C’est là une violation de domicile. Une perquisition et une saisie en de telles conditions ressemblent, à s’y méprendre, aux exploits qui mènent les pillards en cour d’assises.

Une telle opération n’est pas seulement coupable ; elle est vaine. Comment n’a-t-on pas vu qu’une saisie de lettres, dans le tiroir d’un secrétaire, si elle a lieu hors de la présence du destinataire des lettres, est un non-sens ? Il n’y a de preuve de l’existence des lettres dans le meuble fouillé que si le propriétaire assiste à la découverte en personne ou par mandataire. Il faut que la loi définisse au plus tôt la perquisition[1], en fixe les formes avec précision, déclare qu’elle doit s’accomplir en présence du propriétaire, à moins que, légalement poursuivi, il ne soit en fuite.

  1. Telle a été l’émotion produite dans le Midi par les perquisitions abusives que, dans sa séance du 30 juin, la Chambre vient de voter l’urgence sur une proposition de M. de Castelnau ayant pour objet d’interdire toute visite domiciliaire avant l’interrogatoire de l’inculpé, de subordonner à une ordonnance de la