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disposition qui frappait d’une amende de 1 000 francs, sans préjudice des dommages-intérêts, l’huissier ou garde du commerce qui se serait refusé à conduire le prisonnier en référé (art. 22 de la loi du 17 avril 1832). De pareils textes ne peuvent-ils pas être imités ? Tout n’est-il pas prévu ? Et le législateur qui voudra créer des sécurités légales pourra-t-il découvrir des formules plus précises ?

S’il s’agit enfin, non d’un acte à redresser d’urgence, mais de dommages-intérêts à réclamer pour le préjudice souffert, comment organiser la responsabilité des magistrats ? Comment ouvrir un droit, tout en prévenant l’abus ? Par quelles combinaisons simples et efficaces peut-on concilier ces intérêts opposés ?

La juridiction de la Cour d’appel nous paraît indiquée. Qui pourrait se plaindre, si la partie lésée devait dénoncer le fait et formuler sa demande en présentant requête au premier président ? Si la réponse était négative, le premier président devrait motiver son ordonnance et répondre aux griefs d’illégalité invoqués, ce qui ouvrirait au plaignant un recours devant la Chambre des requêtes de la Cour de cassation. Si la réponse était favorable, l’ordonnance renverrait le plaignant et le défendeur devant la première Chambre de la Cour d’appel.

La loi stipulerait expressément que les recours, soit en référé devant le président du tribunal, soit en dommages-intérêts devant la Cour, à raison des actes illégaux et arbitraires ayant porté atteinte à la liberté individuelle, quel que fût le fonctionnaire qui eût commis ces actes, ne pourraient être l’objet d’un conflit de juridiction, à raison du principe de la séparation des pouvoirs, et qu’en cette matière les tribunaux judiciaires seraient exclusivement compétens[1]. Poursuivre le vote d’une loi générale sur la responsabilité des magistrats est une chimère. Obtenir en une matière précise, nettement délimitée, l’affranchissement de la servitude des conflits est le seul moyen d’atteindre un résultat pratique.


Entre la conception des droits individuels et l’idée d’une justice toujours accessible, il y a une corrélation intime. Dans une société où le citoyen cherche en vain des juges, où il est ren-

  1. Voyez, sur ce problème qui a été étudié à fond et définitivement résolu, le remarquable rapport de M. Félix Lacoin (Bulletin de la Société générale des Prisons, 1901, p. 1176).