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coadjuteur de Mayence depuis 1787, et qualifié, par là même, pour succéder en 1802 au défunt archevêque Erthal. Seul de tous les hommes d’Eglise, il obtint des terres dans la réorganisation napoléonienne de l’Allemagne ; on lui donna, en 1803, Ratisbonne, Aschaffenburg, Wetzlar ; en 1806, la ville libre de Francfort et le titre de prince-primat de la Confédération du Rhin. Mais, à cette époque de vertiges où les fortunes territoriales se faisaient et se défaisaient comme plus tard les fortunes mobilières, Dalberg jugea prudent d’intéresser la famille même de Napoléon au maintien de sa propre opulence ; il y crut réussir, en nommant Fesch son coadjuteur. Cette façon de prendre une assurance contre les caprices de l’histoire déplut vivement à l’Empereur, et les calculs de Dalberg furent déçus. Le traité de Paris, en 1810, modifia la nature de son droit de propriété et l’étendue de ses propriétés : il perdit Ratisbonne, dont il demeura l’évêque. C’était le dernier exemple de la réunion d’une crosse et d’un sceptre entre les mêmes mains ; cet exemple disparut. Un grand-duché de Francfort fut, en guise de compensation, créé pour Dalberg ; duché fort étendu, qui accroissait singulièrement le nombre des sujets du prélat. Mais c’était un État tout séculier, promis d’avance, en cas de mort de Dalberg, à Eugène de Beauharnais. La fonction même de primat, qui avait jusqu’en 1810 eu l’avantage d’une souveraineté territoriale, était désormais une dignité spoliée ; elle était, comme toutes les autres dignités de l’Eglise allemande, jetée nue sur terre laïque. Tant que vivrait Dalberg et tant que la primatie serait attachée à sa personne, elle bénéficierait du train de maison du grand-duc de Francfort ; Dalberg disparu, elle serait sans ressources. C’est ainsi que le traité de Paris consomma l’œuvre de la sécularisation ; le même acte qui enrichissait l’évêque de Ratisbonne acheva l’appauvrissement de l’Eglise germanique.

Charles-Théodore de Dalberg, qui fut sur terre allemande le dernier propriétaire ecclésiastique, fit planer sur cette Eglise, durant toute la période napoléonienne, l’apparat de ses titres et le faste de ses charités. On a débattu, bien en vain, s’il fut bon prêtre ou mauvais prêtre : mieux vaut dire que Dalberg n’était pas un prêtre ; savait-il même ce que c’était ? Avant la mitre et sous la mitre, « Frère Crescent, » comme on l’appelait en loge, demeura toujours un assez honnête homme. Il eût pu faire beaucoup de bien, s’il avait eu l’étoffe d’un Borromée ; beaucoup de