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nécessaire, et que durent connaître toutes les races, bien avant la grecque, que le fait de passer, presque sans transition, du tracé patient, par de simples traits, de silhouettes humaines sur les vases, à l’imitation en rondo bosse, sur des murs, c’est-à-dire en saillies tangibles et mesurables, dans les limites mêmes de ce tracé, de l’épaisseur réelle et de la forme des corps. De ces deux opérations bien distinctes, la première est encore du domaine très restreint du dessin linéaire, forme primitive de l’écriture asservie à l’architecture, et, en vérité, elle témoigne du temps où tous les arts étaient réunis, comme soudés, dans cette primordiale architecture, alors que l’architecture elle-même n’était que la forme hiératique de l’art, — la religion visible et construite. L’autre opération est proprement la plastique à son aurore ; la forme et la règle à la fois du bas-relief était trouvée ; et nous y voulons voir la véritable origine de la sculpture, ou, plus précisément, la séparation décisive, hors de l’unité première, de la sculpture qui se fait indépendante, et de hiéroglyphique en quelque sorte devient harmonique, c’est-à-dire de symbolique réaliste, en ce sens qu’elle traduit des formes au lieu d’écrire des signes, et tente enfin de s’isoler de l’architecture, jusqu’à ce qu’elle secoue, plus tard, au siècle de la beauté tranquille, le vain manteau diapré de la peinture, et, toute nue, quittant le temple et les dieux inconnus, s’achemine enfin vers la vérité, vers la vie, vers l’homme !

Aussi bien, les influences extérieures, — orientales toujours, — ne furent pas étrangères à ce développement logique d’un art essentiellement humain en son but, en son sens, en sa matière ; et si, négligeant la tradition inventée un jour par la vanité des Grecs et si soigneusement entretenue par eux, qui leur attribuait l’invention de tous les arts, on pense aux probables relations de la riche Corinthe, une des premières nées à la féconde vie des arts, avec les grandes civilisations d’Orient, par l’intermédiaire des Phéniciens, ainsi que nous avons essayé de le démontrer pour l’architecture[1], on aura, comme toujours, sous la légende, l’explication de l’histoire. En fait, historiquement et logiquement, le bas-relief est le développement du tracé figuré sur les temples ou sur les vases ; et la statue, de même, est issue des formes du potier. Le vase devient Dieu d’abord ; mais Dieu se fait

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1898.