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confuse. Celle du gouvernement est précaire. Il est à craindre, en tout état de cause, que le ministère du comte Khuen n’ait même pas la durée de faveur qu’on lui avait d’abord assignée.

Si la crise s’était arrêtée là, il n’y aurait eu que moitié mal ; mais, à peine était-elle finie ou suspendue en Hongrie, qu’une seconde a éclaté en Autriche. Il y a à Vienne un ministre sans grand prestige personnel, parce qu’il est un administrateur et un bureaucrate et non pas un grand seigneur ou un parlementaire important, mais qui est sensé, studieux, appliqué à ses fonctions, qui a rendu déjà des services très méritoires et qui se dispose à en rendre d’autres, que sa connaissance parfaite de certaines questions spéciales lui permettra de rendre au moment du renouvellement des traités de commerce : c’est M. De Kœrber. Comment a-t-il été atteint par le contre-coup de la crise hongroise ? Le ministre de la Guerre de l’empire s’est senti et déclaré solidaire du ministre transleithan de la défense nationale, et, celui-ci ayant donné sa démission, il a donné la sienne à son tour. Le projet d’augmentation de l’effectif militaire intéressait toute la monarchie : puisqu’il était retiré, il paraissait naturel que les deux ministres se retirassent également. Soit ; mais que ne remplaçait-on le ministre de la Guerre ? Si la démission du ministre hongrois entraînait la sienne, la sienne n’entraînait pas nécessairement celle de M. De Kœrber. Il y avait évidemment autre chose. On n’a pas tardé à s’en rendre compte, lorsqu’on a appris que M. Rezek, ministre pour la Bohême, se retirait aussi. Cela était grave, à coup sûr. M. Rezek représente dans le cabinet l’élément jeune-tchèque, sans lequel il n’y a pas de majorité dans le parlement, ou plutôt sans lequel il n’y a que l’obstruction. Nous ignorons à quelle cause précise est dû le mécontentement de M. Rezek : il s’est plaint, dit-on, de ne pas obtenir la création d’une université tchèque en Moravie. Ce qui est certain, c’est que le parti jeune-tchèque s’agite depuis quelque temps, et manifeste des impatiences et des exigences de plus en plus grandes. Ce parti est divisé, comme le sont tous les partis, comme l’est celui de l’indépendance en Hongrie, et les plus violens s’efforcent d’y entraîner les plus modérés. Les Jeunes-Tchèques se sont constitués, il y a une douzaine d’années, pour prendre la place des Vieux-Tchèques, qu’ils accusaient de tiédeur : c’est précisément le reproche que les nouveaux venus dans le parti adressent à ses chefs déjà arrivés. Ainsi va le monde : il se ressemble toujours et partout. Les Jeunes-Tchèques, se sentant menacés dans leur situation acquise, éprouvent le besoin de faire du zèle pour la conserver. On leur demande ce qu’ils